ALLOCUTION DE LA JUGE EN CHEF HEATHER SMITH
COUR SUPÉRIEURE DE JUSTICE
OUVERTURES DES TRIBUNAUX
TORONTO, LE 12 SEPTEMBRE 2017
Salutations : Mesdames et Messieurs les juges en chef, chers collègues de la magistrature – vous tous, Monsieur le Procureur général, Monsieur le Trésorier, M. Marco Mendicino, député, au nom de la ministre de la Justice, Mesdames et Messieurs les membres du Barreau et parajuristes, invités distingués, Mesdames et Messieurs.
Introduction
Je vous souhaite, à tous et à toutes, la bienvenue à l’occasion du début de cette nouvelle année judiciaire. C’est avec grand plaisir que je me joins, une fois de plus, aux représentants du secteur de la justice, pour participer à la cérémonie d’ouverture des tribunaux. Je suis heureuse d’avoir la possibilité de vous présenter brièvement les points saillants des activités de la Cour supérieure de l’année passée.
2017 est une année particulièrement chère aux Canadiens et Ontariens, car elle marque la célébration du 150e anniversaire de notre nation et de notre province.
Le premier ministre Trudeau a prononcé les paroles suivantes lors d’une allocution récente en l’honneur de la fête du Canada : Je cite :
« [Au cours des 150 années qui ont suivi], nous avons continué à nous développer et à nous définir en tant que pays. Nous nous sommes battus vaillamment dans deux guerres mondiales et nous avons construit les infrastructures nécessaires pour relier les vastes régions de notre pays. Nous avons enchâssé nos valeurs les plus chères – l’égalité, la diversité, la liberté individuelle, les deux langues officielles – dans la Charte des droits et libertés. Les moments comme ceux-là ont fait du Canada l’incroyable pays prospère, généreux et fier qu’il est aujourd’hui. » fin de citation.
Nous ne pouvons pas oublier le rôle fondamental que les tribunaux ont joué en qualité de troisième pilier du gouvernement. Tout au long de notre histoire, riche et diversifiée, notre système de justice a été indispensable dans l’interprétation et la protection de nos valeurs fondamentales. Toutefois, l’histoire de notre nation nous rappelle que des injustices ont été commises, en particulier dans le traitement des groupes vulnérables et dépréciés de notre société. Il ne faut pas ignorer cet aspect de notre histoire. Nous devons tirer les leçons de nos erreurs passées et faire preuve de conciliation et d’inclusivité en vue de bâtir une société plus inclusive, plus juste et plus équitable.
J’aimerais remercier tous les membres du Conseil des juges principaux régionaux, qui sont les cadres supérieurs de notre Cour, ainsi que le personnel du Bureau de la juge en chef, de leurs efforts exceptionnels au nom de la Cour. J’ai de la chance d’avoir des conseillers et des collègues magistrats sages et pratiques. Ils me prodiguent des conseils judicieux et ne manquent pas une occasion de faire progresser le système de justice vers l’objectif d’une justice plus efficiente et plus efficace. Ils représentent un atout exceptionnel pour l’administration de la justice dans notre province.
De même, les juges de notre Cour sont remarquablement dévoués et déterminés à résoudre et trancher les différends dans les meilleurs délais. Ils abordent leur lourde charge de travail avec détermination et compétence. J’ai le privilège et l’honneur de remplir les fonctions de juge en chef de ce tribunal remarquable.
Effectif judiciaire
Le changement le plus radical qu’a subi notre Cour l’année passée a été au niveau de la composition de notre magistrature, dont l’arrivée de trois membres du Conseil des juges principaux régionaux, le juge principal régional Harrison Arrell dans la région du Centre-Sud, la juge principale régionale Bonnie Warkentin dans la région du Nord-Ouest et le juge principal régional Bruce Thomas dans la région du Sud-Ouest. Il y a un an, nous avions 11 postes vacants de juge. Au cours des mois qui ont suivi, et jusqu’à aujourd’hui, 22 nouveaux postes de juge se sont libérés, pour diverses raisons : des juges optant pour le statut de juge surnuméraire, des retraites anticipées, des congés de maladie, des nominations à la Cour d’appel, etc. Au total, notre Cour a eu 33 postes vacants de juge depuis le 13 septembre 2016.
Avec un immense soulagement, je peux vous annoncer que 29 juges ont été nommés au cours de l’année. Aujourd’hui, il ne reste plus que quatre postes vacants, dont deux remontent à quelques jours seulement. Les postes ont été remplis en grande partie grâce aux efforts ciblés de la ministre de la Justice, l’honorable Jody Wilson-Raybould, et de son excellente conseillère en affaires judiciaires, Katie Black. L’embauche de juges pour remplir promptement les postes vacants faisait l’objet d’une des principales recommandations d’un rapport récent d’un comité du sénat comme solution pour réduire les retards dans le système de justice. En remplissant ces postes vacants aussi rapidement – et parfois, à titre prospectif – la ministre de la Justice a mis en œuvre cette recommandation importante. Monsieur Mendicino, veuillez transmettre à la ministre de la Justice les sincères remerciements de la Cour supérieure de justice pour ses efforts acharnés en vue de redonner à notre Cour toute sa force.
Bien que le processus de nomination ait pris du temps à démarrer, il a permis d’embaucher des candidats exceptionnels. Nos nouveaux juges sont immensément doués et plus représentatifs que jamais de la fantastique diversité de la population ontarienne.
Les juges ne doivent pas et ne peuvent pas vivre dans une tour d’ivoire. En effet, les Principes de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature exigent des juges qu’ils s’efforcent d’être conscients des particularités découlant d’une déficience, du genre, de l’orientation sexuelle, des croyances religieuses, de la race, des caractéristiques ethniques et de la culture. C’est essentiel.
Par ailleurs, conformément aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, un grand nombre de juges de la Cour supérieure ont pris des mesures proactives afin de mieux comprendre les cultures autochtones et de promouvoir une plus grande compétence culturelle parmi les membres de la magistrature. La Cour supérieure a consacré sa conférence judiciaire de l’automne 2016 au thème de la justice pour les Autochtones. Le sénateur Murray Sinclair y a présenté un rapport émouvant sur sa Commission de vérité et de réconciliation, devant tous les juges de la Cour supérieure. En octobre 2016, notre Cour a entamé l’élaboration d’une nouvelle série de ressources judiciaires sur les questions autochtones. Cet été, nous avons mis à jour ces nouvelles ressources judiciaires électroniques, afin d’y incorporer la législation récente, la dernière jurisprudence et des renseignements sur les pratiques traditionnelles.
L’année passée, nous avons poursuivi nos efforts collaboratifs avec le ministère du Procureur général sur de multiples fronts et avons obtenu des résultats très prometteurs. Monsieur le Procureur général, avant de présenter ces initiatives, j’aimerais vous exprimer la profonde gratitude de notre Cour pour les efforts dévoués et incessants du personnel de votre ministère à l’égard de ces initiatives. Sous le leadership de trois de vos sous-procureurs généraux adjoints, en particulier – Sheila Bristo, Lynn Norris et Dante Pantone – notre Cour a réalisé des progrès tangibles. Nous leur sommes reconnaissants de leur engagement envers la fonction publique et de leur professionnalisme évidents.
Installations
Passons aux locaux des palais de justice. Les progrès accomplis cette année ont été notables, surtout en raison du fait que la pénurie aiguë de locaux dans certains de nos palais de justice constituait l’un de nos défis les plus importants. À Toronto, l’année passée, un plan a finalement été approuvé pour déplacer presque toutes les activités de droit civil de la Cour supérieure à des locaux sécurisés au 330, avenue University, et toutes les activités de droit de la famille à des locaux rénovés et sécurisés au rez-de-chaussée du 361, avenue University. Le juge principal régional Morawetz, le juge principal de la Cour de la famille Czutrin et le juge supervigilant Ian Nordheimer ont travaillé avec diligence avec le ministère du Procureur général et Infrastucture Ontario afin de concrétiser ce projet.
Monsieur le Procureur général, nous avons besoin de votre soutien ferme et de votre intervention musclée pour garantir que le personnel du Bureau des procureurs et les autres membres du personnel du ministère qui se trouvent dans le palais de justice seront déplacés vers d’autres locaux disponibles, afin d’assurer l’exécution du projet dans le bref délai qui lui a été imparti, jusqu’en 2019. Nous pouvons y parvenir, mais uniquement si l’engagement de déplacer les bureaux des procureurs est promptement respecté.
À Brampton, les travaux ont commencé pour la construction tant attendue d’une nouvelle aile de six étages dans le palais de justice existant. Les nouvelles salles d’audience permettront de réduire considérablement, si ce n’est d’éliminer, le transfert continu des plusieurs de dossiers de Brampton à des tribunaux proches. Le palais de justice de Milton, affligé de nombreux problèmes, sera finalement remplacé par un nouveau bâtiment de 21 salles d’audience à Oakville, entièrement équipé des fonctions technologiques nécessaires. Nous sommes enchantés de ces nouvelles.
Monsieur le Procureur général, je vous remercie sincèrement d’avoir écouté nos préoccupations et d’avoir plaidé en notre nom pour faire avancer l’exécution du projet de Halton.
Droit criminel
La charge de travail de nos tribunaux criminels demeure un problème réel. L’année dernière, à cette date, nous venions tout juste de faire face aux conséquences de l’arrêt R. c. Jordan. Cette année, nous en ressentirons les pleins effets. À la suite de l’arrêt Jordan rendu l’année passée, notre Cour a mis en œuvre diverses initiatives efficaces en vue d’améliorer le délai de règlement des affaires criminelles. Nos juges principaux experts en droit criminel ont dirigé des séances éducatives sur des stratégies efficaces de gestion des causes à la lumière de l’arrêt Jordan. Cette approche répond à la directive clairement énoncée par la Cour suprême selon laquelle les juges doivent procéder à une gestion des causes proactive. Nous avons également tenu des discussions collaboratives avec la Cour de justice de l’Ontario. La juge en chef Maisonneuve a été une partenaire formidable, nous assurant que, chaque fois que possible, des affaires destinées à la procédure préliminaire devant sa Cour seront réglées dans un délai de douze mois.
Le 1er mai 2017, nous avons publié une deuxième directive de pratique. Nous exigeons désormais le dépôt de mémoires pour certaines requêtes afin de favoriser la gestion du temps pour des plaidoiries orales et l’évaluation des demandes en vertu de l’alinéa 11 b). Enfin, j’ai mis sur pied un groupe de travail judiciaire interne réunissant des juges de chaque région, qui est chargé d’améliorer les règles et les formulaires dans l’objectif d’assurer une gestion efficace de l’instruction.
Malgré tous ces efforts de gestion de notre charge de travail, les défis créés par l’arrêt Jordan ne sont pas prêts de disparaître. Avec l’embauche de 13 nouveaux juges à l’effectif judiciaire de la Cour de justice de l’Ontario et de 26 nouveaux procureurs de la Couronne – en réponse à l’arrêt Jordan – les nouvelles mises en accusation se retrouveront à la porte de la Cour supérieure encore plus rapidement. Les immenses efforts de nos juges dévoués ont maintenu le rythme dans les affaires criminelles jusqu’à présent. Cependant, il faut rien de moins d’une augmentation immédiate de l’effectif judiciaire de la Cour supérieure pour permettre la Cour de maintenir le contrôle de sa lourde charge de travail et du nombre élevé de dossiers criminels complexes qu’elle reçoit.
Dans le budget de mars 2017, le gouvernement fédéral a annoncé une enveloppe pour la nomination de 28 nouveaux juges de la Cour supérieure pour tout le Canada. Notre Cour a immédiatement exposé à la ministre fédérale de la Justice son analyse de rentabilisation favorable à une augmentation proportionnelle de l’effectif judiciaire de l’Ontario parmi ce nouveau bassin de candidats, afin de répondre aux exigences découlant de l’arrêt Jordan. Le gouvernement de l’Ontario a témoigné son appui en modifiant proactivement sa législation en vue de faciliter l’embauche de 12 nouveaux juges de la Cour supérieure. J’espère sincèrement que l’Ontario recevra cette augmentation vitale de son effectif judiciaire.
Droit de la famille
Comme les années précédentes, la Cour supérieure a donné le coup d’envoi à de nombreuses initiatives visant à améliorer la prestation de services de justice pour les familles. Lors de notre conférence d’automne 2016, nous avons eu notre première conférence annuelle Heidi Polowin sur la protection de l’enfance, nommée en l’honneur de feue la juge Polowin – une véritable innovatrice des pratiques de gestion et de règlement des cas de protection de l’enfance. Notre Cour s’est également alliée à CLEO [Éducation juridique communautaire Ontario] et à d’autres intervenants pour lancer un nouveau site Web d’éducation juridique, intitulé « Steps to Justice ». Cette nouvelle plate-forme, qui s’adresse aux plaideurs qui se représentent eux-mêmes, affiche un contenu pratique et convivial, en langage simple, sur le droit de la famille, ainsi que des renseignements sur des questions juridiques connexes.
Surtout, cette année, nous avons renouvelé nos efforts en vue d’étendre la Cour unifiée de la famille à d’autres endroits. De concert avec la Cour de justice de l’Ontario et le ministère du Procureur général, nous avons terminé notre analyse de rentabilisation à l’intention du gouvernement fédéral en faveur de l’expansion immédiate de la Cour unifiée de la famille à huit nouveaux sites. Cette expansion permettra d’ouvrir une Cour unifiée de la famille dans 25 des 50 sites de la Cour supérieure de justice dans la province et servira près de 50 % de la population ontarienne.
Il est rare que les gouvernements fédéral et provincial s’accordent parfaitement au sujet d’une question, mais c’est ce que nous avons accompli avec la Cour unifiée de la famille. Notre analyse de rentabilisation bénéficiait aussi du soutien de tous les tribunaux, des grandes associations d’avocats de l’Ontario et du Barreau du Haut-Canada. Je suis donc très optimiste à cet égard et je pense qu’une expansion imminente de la Cour unifiée de la famille verra le jour, apportant des avantages tangibles pour les familles aux prises avec des conflits.
Droit civil
En ce qui concerne notre compétence civile, au début de l’année, de nouvelles règles et une nouvelle technologie ont été introduites pour permettre aux plaideurs de déposer en ligne des actions civiles à la Cour supérieure de justice, dans cinq villes (London, Sudbury, Newmarket, Brampton et Ottawa). En juillet, ce projet pilote du ministère a été étendu à Toronto. Il s’agit d’un pas en avant nécessaire vers l’atteinte de l’objectif commun des magistrats et des avocats que toutes les instances de la Cour supérieure puissent être déposées par la voie électronique. En mars de cette année, le juge principal régional Morawetz a publié un avis de pratique à Toronto, qui autorisait – si ce n’est encourageait – la tenue de vidéoconférences pour des affaires inscrites aux rôles des affaires civiles, commerciales et de succession, en vue de réduire les frais de justice. La technologie utilisée pour cette initiative se limite à un ordinateur muni d’une caméra et à une connexion à Internet.
À compter du 1er juillet 2017, les pratiques de la Cour divisionnaire en matière d’autorisation d’interjeter appel sont parallèles à celles de la Cour d’appel et de la Cour suprême du Canada. Désormais, les demandes d’autorisation d’interjeter appel sont déposées par écrit et tranchées par une formation de la Cour divisionnaire. En outre, les avocats doivent indiquer des estimations de temps pour leurs arguments oraux dans le cadre des révisions judiciaires et des motions.
La Loi sur les tribunaux judiciaires a été récemment modifiée afin de créer un nouveau poste de juge et chef de l’administration. Nous sommes absolument ravis de la nomination de Laura Ntoukas, qui prendra effet le 14 septembre 2017, au poste de première juge et chef de l’administration à temps plein de la Cour des petites créances. La Cour des petites créances traite actuellement d’environ 60 000 dossiers chaque année, dans plus de 80 sites différents, avec un effectif de plus de 400 juges suppléants. Le nouveau poste de juge et chef de l’administration procurera à ce tribunal très chargé une surveillance judiciaire et administrative cohérente.
Modernisation
Outre les efforts internes de notre Cour en vue de moderniser ses activités d’établissement des rôles, d’affectation des juges et d’administration, nous avons encouragé une initiative de modernisation en partenariat avec le ministère. Nous sommes tous motivés par un seul but : créer un système judiciaire efficient, efficace et fondé sur la technologie, de l’étape du dépôt initial au règlement définitif. Des cadres supérieurs du ministère et des juges et chefs de l’administration chevronnés ont travaillé inlassablement, dès le départ, à l’atteinte de cet objectif.
Ce projet a engendré un certain nombre de projets pilotes et d’initiatives importants l’année dernière. Les juges de la région du Centre-Est ont désormais accès à des versions électroniques de documents déposés pour toutes les motions longues, quel que soit l’endroit où les documents ont été déposés et quel que soit l’endroit où se trouve le juge dans la région. Ce projet pilote devrait être prochainement étendu aux autres régions. Dans un avenir proche, nous devrions pouvoir jouir d’une connexion à Internet dans d’autres palais de justice, de la possibilité de tenir des téléconférences dans chaque salle d’audience, de l’option de dépôt électronique pour toutes les actions devant la Cour supérieure et de l’installation d’ordinateurs et de scanneurs pour les plaideurs dans des affaires de droit de la famille dans tous les centres d’information sur le droit de la famille. L’initiative de modernisation a débuté de presque zéro, car il n’y avait pratiquement aucune fonction technologique dans les salles d’audience. Nous avons progressé plus lentement qu’espéré, mais nous avons certainement progressé.
Conclusion
À l’occasion du 150e anniversaire du Canada et de l’Ontario et en l’honneur de cette cérémonie d’ouverture des tribunaux, je vous invite tous à être fiers du système de justice de l’Ontario, pour ce qu’il a accompli par le passé et pour ce que son avenir prometteur lui réserve.
Nous devons saisir chaque occasion qui se présente pour promouvoir, améliorer et adapter le système de justice, à l’écoute du contexte social en pleine évolution dans lequel nous vivons. C’est l’engagement de notre Cour envers le public que nous servons pour l’année qui vient.
Merci.