Juge en chef Heather Forster Smith
Ouverture des tribunaux
Toronto, le 24 septembre 2013
Depuis de nombreuses années, la Cour supérieure en Ontario a adopté avec enthousiasme, l’objectif singulier d’offrir un système judiciaire rapide et accessible. Cette rencontre annuelle demeure l’occasion parfaite de revoir les excellentes réalisations et les progrès accomplis pour atteindre cet objectif. En outre, je souhaite profiter de cette rencontre pour souligner les changements et les contributions faites par les membres de la direction de ce tribunal.
En juin dernier, tous les membres de notre cour ont été ravis de la nomination du juge Frank Marrocco en tant que juge en chef adjoint. Avec son expérience d’avocat compétent en pratique privée, son mandat de trésorier du Barreau et ses années à la magistrature à présider des procès complexes à Toronto, notre nouveau juge en chef adjoint jouit déjà de la confiance de ses collègues et du barreau. Ses nombreuses compétences et qualités le soutiendront dans son nouveau rôle, et tous les membres de notre Conseil des juges principaux régionaux sont impatients de travailler étroitement avec lui pour surmonter les défis continus de notre système judiciaire.
Nous sommes la plus grande cour de juridiction supérieure au pays. Aussi, nous avons un modèle d’administration unique, avec un juge principal régional pour chacune des huit régions de la cour. Ces juges principaux régionaux jouent un rôle essentiel dans la mise au rôle et l’assignation des juges dans chaque région, une responsabilité exclusive aux juges. Cette année, deux de nos juges principaux régionaux, le juge Edward Then et le juge Michael Brown, qui sont en charge des deux régions les plus populeuses et les plus achalandées – Toronto et le Centre-Est respectivement – termineront leur mandat. Tous deux ont été des piliers du conseil exécutif de la cour, me faisant part de leurs conseils extrêmement réfléchis et pratiques sur un large éventail de questions.
Je suis reconnaissante envers le juge Then et le juge Brown pour leur dévouement afin d’améliorer l’administration de la Cour supérieure, et pour la direction constante de leur région respective. Pendant que nous attendons la nomination de leur remplaçant, chacun d’eux a accepté de demeurer à la barre jusqu’à ce qu’un nouveau juge principal régional soit nommé.
Cette occasion publique est la dernière qui me soit donnée de remercier l’honorable Warren Winkler, qui quittera ses fonctions de juge en chef de l’Ontario au début de décembre 2013, pour sa contribution dans ce rôle au cours des six dernières années. Je n’ai aucun doute qu’il continuera de contribuer au système judiciaire, et je lui souhaite un grand succès dans tous ses projets futurs.
L’objectif précis de la Cour supérieure est entièrement « synchronisé » avec l’appel sans équivoque pour « un meilleur accès à la justice » qui résonne dans chaque partie du système judiciaire et au-delà. Depuis de nombreuses années, « l’accès à la justice » est le thème d’innombrables articles de journaux, de discours, de groupes de réflexion, d’études et de rapports, qui émanent du juge en chef du Canada, de l’ABC et de l’ABO, du Barreau, de la Commission du droit du Canada, du gouvernement, des organismes d’aide juridique et des justiciables.
Le besoin est évident, et chaque organisme travaille de façon diligente dans les limites de son mandat pour atténuer cette pression. Je suis extrêmement fière de l’initiative et de la contribution de la Cour supérieure à l’égard de l’objectif d’accès véritable à la justice. Je voudrais prendre quelques moments pour souligner les réalisations de la dernière année.
Rendre la justice véritablement accessible dans les affaires de droit de la famille continue d’être une priorité majeure pour la cour. Pour réussir, notre système de justice familiale doit exceller à réduire au minimum les conflits, à encourager la collaboration et à fournir un règlement précoce pour les familles dans le besoin. Il doit également être accessible, équitable, proportionnel et intégré aux autres services déjà disponibles dans la communauté.
De tous les rapports sur l’accès à la justice rendus public cette année, l’un des plus importants a été celui du groupe de travail sur la justice à la famille du Comité d’action national sur l’accès à la justice en matière civile et familiale. Ce groupe était présidé par le juge Tom Cromwell de la Cour suprême, à l’invitation de la juge en chef Beverley McLachlin. Le rapport du groupe de travail, intitulé Des changements contraires en matière de droit de la famille : Au-delà des sages paroles, recommande de nombreuses améliorations afin de réaliser un accès véritable à la justice dans les instances de droit de la famille.
Comme le proclame haut et fort le groupe de travail de justice pour la famille dans son rapport, l’accès à la justice n’est nulle part aussi important que dans les litiges familiaux. Notre cour a été particulièrement fière de constater que plusieurs des recommandations du rapport font directement référence à nos pratiques et initiatives en droit de la famille existantes comme à des modèles pour améliorer l’accès à la justice. L’Ontario a été félicité pour l’expansion des services de première ligne offerts, dans tous les palais de justice, à un stade précoce dans le système de justice familiale, les séances d’information obligatoires pour les parties aux litiges familiaux, et les multiples options de règlement des différends disponibles, dont les services gratuits de médiation et les conseils juridiques, pour aider les familles à régler leurs différends.
Comme je l’ai annoncé lors de l’ouverture des tribunaux de l’année dernière, notre cour est bien déterminée à donner la priorité aux enfants dans le besoin, particulièrement dans les instances de protection de l’enfance. Tout au long de l’année dernière, nous avons sollicité l’appui de pratiquement tous nos partenaires de la justice – entre autres, les doyens des facultés de droit, le Barreau, les avocats en droit de la famille, l’AOSAE et l’avocate des enfants – pour lancer l’Initiative Donner la priorité aux enfants, exactement comme prévu. La réponse que nous avons reçue de chacune de ces organisations a été extrêmement positive et l’enthousiasme pour le projet est palpable.
À ce jour, nous avons accompli des progrès remarquables, à commencer par les facultés de droit, et ce, en exigeant que les étudiants soient pour le moins exposés au droit de la famille, et en mettant des cours pratiques de droit de la famille et de protection de l’enfance à la disposition des étudiants intéressés. Cette formation sera soutenue par de meilleures occasions pour les étudiants en droit de recevoir un enseignement mettant l’accent sur la protection de l’enfance et les ressources disponibles en justice pour la famille. Les plus chevronnés parmi les avocats en droit de la famille seront sollicités pour faire davantage de mentorat dans ce domaine. Nous avons l’engagement ferme de nos organismes partenaires de régler les « problèmes systémiques » qui ont limité jusqu’à aujourd’hui notre capacité à résoudre rapidement les instances mettant en cause des enfants à risque.
Sur une note très positive, nous constatons déjà les bienfaits de l’expansion des services de première ligne à la famille dans les 50 emplacements de la Cour supérieure. Grâce au programme d’information obligatoire (PIO), les familles qui vivent une séparation dans la province ont accès à des renseignements essentiels en droit de la famille au tout début de leur cause. Ces parties à un litige de droit de la famille ont maintenant la capacité de faire des choix plus informés au sujet du règlement de leur affaire. Cette année, en apportant les ajustements nécessaires, nous avons fait en sorte que cette initiative demeure solide et efficace.
Les parties à des litiges en droit de la famille dans sept emplacements de la cour ont également bénéficié du programme d’agents de règlement des différends (ARD) qui a déjà fait ses preuves. Celui-ci recourt à des avocats chevronnés en droit de la famille pour faciliter le règlement en temps opportun des motions en modification des ordonnances définitives. Ce programme permet une évaluation à un stade précoce de la cause en question, une tentative anticipée de régler les questions, tout en préparant le terrain pour une motion advenant que les questions ne soient pas réglées.
Je continue de rappeler au procureur général, M. Gerretsen, qu’un financement immédiat est requis pour fournir les modestes appointements à la journée qu’on verse à Toronto à tous les agents de règlement des différends dans cinq emplacements à l’extérieur de Toronto. Je sais que je peux compter sur le barreau, qui appuie fermement ce programme, pour exiger que soit fourni le financement de cette initiative dont les mérites sont connus.
Bien que nous n’ayons vu aucun changement significatif pour ce qui est du nombre d’instances civiles commencées ou ajoutées à la liste des procès cette année, certains centres accusent des délais d’attente accrus pour l’audience des motions et des procès longs. Cette question est déjà considérée comme une priorité par le juge en chef adjoint, les juges principaux régionaux de la RGT touchés par ce phénomène et moi-même.
Il est certain que le barreau a un rôle très important à jouer pour soutenir les efforts de la cour afin de gérer les listes surchargées de motions et de procès au civil dans la RGT. Les commentaires et les idées du barreau concernant ces difficultés seront des plus bienvenus, et sa collaboration sera essentielle pour régler cette question. Lorsque les avocats cherchent des dates pour des procès ou des motions dans des affaires qui ne sont pas vraiment rendues au stade de l’audience, des dates plus rapprochées pour les affaires qui sont prêtes à aller de l’avant deviennent non disponibles.
Du côté de la cour, nous avons entamé un examen interne de nos pratiques de mise au rôle et d’assignation des juges pour dégager les meilleures pratiques et maximiser l’allocation de nos effectifs judiciaires. Nous sommes prêts à prendre d’autres mesures pour nous assurer que seuls les procès et les motions qui sont vraiment prêts à aller de l’avant soient placés sur la liste appropriée de motions ou de procès au civil.
À Toronto, le juge principal régional Then a déjà refait appel au comité du barreau et de la magistrature en droit civil pour soutenir notre engagement à réduire les délais d’attente au civil pour les motions et procès longs. À ma demande, et avec le plein appui du juge Then, le juge Geoff Morawetz a généreusement accepté de diriger l’initiative, qui s’étendra à toute la RGT pour atteindre notre but. Je n’aurais pas pu être plus ravie ou plus confiante d’avoir trouvé la bonne personne pour ce travail, vu que le juge Morawetz a dirigé le Rôle commercial, qui est l’« étalon de référence » pour la rapidité.
Nous avons déjà commencé à rencontrer les dirigeants du barreau – le trésorier, les membres de l’exécutif de la Toronto Lawyers’ Association, l’ABO et l’Advocates Society – pour établir une approche de collaboration à l’égard de ce problème. En tant que tribunal, avec le juge Morawetz à la tête de cette initiative, nous ne nous reposerons que quand nous aurons atteint des délais d’attente raisonnables pour la tenue d’audiences pour tous les procès et motions de longue durée dans la RGT. Pour nous, l’atteinte de cet objectif est également essentielle en vue d’améliorer véritablement l’accès à la justice dans les instances civiles.
Pour ce qui est de la Cour des petites créances, je peux affirmer, heureusement, qu’elle demeure un modèle de justice efficace, abordable et dispensée en temps opportun en Ontario, traitant presque 45 % de toutes les instances civiles de la province. Cette cour remarquablement achalandée est toujours bien soutenue par près de 400 juges suppléants compétents. Je félicite ces derniers, ainsi que le personnel de la Cour des petites créances, pour l’excellence dont ils continuent de faire preuve pour servir la population de l’Ontario. Une fois de plus, je tiens à transmettre nos remerciements aux membres du barreau pour leur dévouement exceptionnel, en tant de juges suppléants, à entendre des causes dans cet important forum.
En ce qui concerne les instances criminelles, nous avons, cette année, remanié les Règles en matière criminelle et les formulaires. De plus, nous avons soutenu la préparation du format électronique actuel pour le dépôt des formulaires de droit criminel. Je suis convaincue que nos efforts en matière de mise au rôle continuent de permettre des audiences en temps opportun pour les causes criminelles. Cependant, nous demeurons vigilants.
Récemment, nous avons été ravis par des nouvelles très positives du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels sur une question qui a des répercussions sur notre charge de travail en matière criminelle. La prison de Sarnia, qui devait fermer prochainement, demeurera ouverte. Les deux tribunaux de compétence criminelle ont exhorté ce ministre ainsi que le procureur général de ne pas fermer cet établissement. De notre point de vue, c’était là aussi une question d’accès à la justice. Les prisonniers auraient dû faire des déplacements pouvant durer jusqu’à cinq heures, chaque jour, pour les audiences prévues au palais de justice de Sarnia. Je souhaite transmettre mes plus sincères remerciements aux ministres concernés par cette question pour leur compréhension des problèmes exprimés d’une même voix par tous les intervenants, et pour avoir eu le courage de renverser la décision ferme initiale du gouvernement de fermer l’établissement.
Le Comité consultatif de la magistrature et du barreau sur les services en français a rendu public son rapport intitulé « Accès à la justice en français » à la fin du mois de juin 2012. Au cours de la dernière année, notre cour a travaillé très fort pour mettre en œuvre toutes les recommandations qui relèvent de notre compétence. De plus, j’ai récemment nommé un juge dans chaque région pour agir comme personne-ressource pour traiter toutes les questions se rapportant aux services en français dans cette région.
À l’heure actuelle, quand nous parlons d’améliorer l’accès à la justice, nous espérons qu’une maîtrise efficace de la technologie nous aidera à relever le défi. À cet égard, au cours de la dernière année, notre cour a dirigé et mis en œuvre deux importantes initiatives axées sur la technologie. D’abord, avec le soutien de la Cour de justice de l’Ontario, notre cour a élaboré un protocole permettant à toutes les parties d’accéder facilement aux copies d’enregistrements sonores numériques de la cour. Deuxièmement, nous avons créé et mis en œuvre une politique pour l’ensemble de la cour qui permet l’utilisation de dispositifs de communication électroniques dans la salle d’audience par les parties et leur avocat, ainsi que par les médias, parce qu’ils fonctionnent comme les yeux et les oreilles du public.
Des détails sur ces deux politiques sont disponibles sur le site Web de la Cour supérieure, ce qui m’amène à vous parler d’autres initiatives fructueuses de cette année. Le site Web de la cour est entièrement remanié dans le but de fournir beaucoup plus d’information pratique au public sur toutes les facettes des activités de la cour. Notre plus récent rapport semestriel, publié en novembre dernier, est accessible sur notre site Web. Je recommande fortement la lecture de ce rapport, car il s’agit d’une source précieuse de renseignements sur les nombreuses initiatives que je décris aujourd’hui.
Nous attendons avec enthousiasme les initiatives technologiques que le procureur général a planifiées. En attendant, nos juges se sont joints de façon proactive au barreau pour aller de l’avant vers le système de « dépôt électronique » qui deviendra à l’avenir la base de l’administration de la justice. Je suis convaincue que les normes réfléchies et détaillées qui ont été élaborées pour le dépôt électronique des documents dans les causes du Rôle commercial et de la Cour divisionnaire deviendront la norme du vrai système de « dépôt électronique » de l’avenir. Ces deux initiatives en matière de documents électroniques permettent maintenant aux juges de chercher et d’examiner des documents beaucoup plus facilement, ce qui rend la prise de décision judiciaire plus efficace. Ces merveilleuses initiatives permettent à la cour d’aller de l’avant dans cet environnement « électronique ». Nous remercions le personnel de la Division des services aux tribunaux pour leurs généreux efforts de collaboration durant cette période de transition.
J’aborde maintenant la question des installations de notre cour et les besoins criants et de longue date d’un plus grand nombre de salles d’audience pour les jurys au criminel et d’installations connexes à Barrie, Brampton et Newmarket, où la population a littéralement explosé au cours de la dernière décennie. La capacité de la Cour supérieure à tenir des audiences lors de procès criminels avec jury dans ces emplacements est directement minée par l’insuffisance d’installations pour ce type de causes, notamment des salles d’audience pour jury, les salles d’attente du jury, des salles de délibérations du jury et des salles de délibérations des juges.
Comme je l’ai mentionné l’année dernière, la cour travaille étroitement avec le ministère du Procureur général pour trouver des solutions innovatrices et financièrement responsables aux problèmes d’installations pour les jurys dans chacun des trois emplacements. Nous attendons avec anxiété et impatience que ces installations dont nous avons désespérément besoin dans ces trois palais de justice soient disponibles. Je transmets mes sincères remerciements à Lynne Wagner, sous-procureure générale adjointe de la Division des services aux tribunaux et à son personnel, ainsi qu’au personnel de la Direction de la gestion des installations pour l’attention qu’ils portent aux besoins de la cour dans le climat financier actuel.
Je suis ravie de vous informer que cette année la cour a emménagé dans le magnifique nouveau palais de justice du comté régional de Waterloo à Kitchener. Le ministère du Procureur général a présenté la conception des plus impressionnantes de cet édifice au moment de son ouverture officielle qui a eu lieu hier. J’attends avec impatience l’ouverture officielle des nouveaux palais de justice de Quinte et de St. Thomas dans les mois à venir.
En juin dernier, la réunion du Conseil des juges principaux régionaux a eu lieu à Thunder Bay et comprenait une visite du nouveau palais de justice, un édifice absolument spectaculaire, qui devrait ouvrir en 2014. Les plans et les contrats de ces merveilleux édifices ont été exécutés durant une période économiquement beaucoup plus favorable, et nous sommes reconnaissants au ministère du Procureur général de mener les travaux à bonne fin.
Dans tout ce que nous faisons, notre objectif premier est de favoriser l’accès en temps opportun à une justice équitable et impartiale. Les membres de la direction de la cour sont stimulés par les occasions et les possibilités qui découlent de cet objectif. En tant que tribunal, nous savons que nous ne pouvons régler seuls tous les problèmes d’accès à la justice. Nous continuerons à résoudre chaque aspect des problèmes qui sont sous notre gouverne, mais nous comptons aussi sur les autres pour qu’ils fassent leur part. Ensemble, je sais que nous pouvons atteindre notre but commun d’améliorer l’accès à la justice. Je trouve l’accueil que nous avons reçu de toutes les institutions et organisations à qui nous avons demandé de l’aide très réconfortant.
Dans notre entreprise d’améliorer l’accès à la justice, nous ne pouvons pas oublier – même pour un moment – que la confiance du public envers les tribunaux, n’est pas garantie. Nous devons sans cesse nourrir, valoriser et mériter cette confiance. C’est là le fondement d’une société civile. Les Ontariennes et Ontariens qui s’adressent au système judiciaire pour régler leurs différends n’en méritent pas moins.