Dans lâaffaire dâune audience dont la tenue est ordonnĂ©e aux termes de lâarticle 11.1 de la Loi sur les juges de paix, L.R.O., 1990, chap. J.4, telle que modifiĂ©e
En ce qui concerne une plainte au sujet de la conduite de Monsieur le juge de paix Errol Massiah
Devant :
Lâhonorable juge Charles H. Vaillancourt
Madame la juge de paix Louise Rozon
Michael Phillips, Ph.D., membre de la communauté
ComitĂ© dâaudition du Conseil dâĂ©valuation des juges de paix
MOTIFS DE LA DĂCISION
Avocats :
M. Douglas C. Hunt, c.r.
M. Andrew Burns
Hunt Partners LLP
Avocat chargé de la présentation
M. Eugene Bhattacharya
Avocat-procureur
Avocat de Monsieur le juge de paix Errol Massiah
INTERDICTION DE PUBLICATION DE LâIDENTITĂ DES PLAIGNANTES ET DES TĂMOINS
[1]       Le juge de paix Errol Massiah a comparu devant le comitĂ© relativement Ă de nombreuses allĂ©gations faites par des membres du personnel de son tribunal au sujet dâinconduites judiciaires prĂ©sumĂ©es. [2]       Comme ces allĂ©gations portent sur des inconduites sexuelles ou du harcĂšlement sexuel, le comitĂ© a ordonnĂ©, le 6 juin 2011, une interdiction de publication des renseignements susceptibles de rĂ©vĂ©ler lâidentitĂ© des plaignantes ou des tĂ©moins visĂ©s par lâaudience, conformĂ©ment au paragraphe 11.1 (9) de la Loi sur les juges de paix, L.R.O., chap. J.4, telle que modifiĂ©e.INTRODUCTION
[3]       Le comitĂ© dâaudition a entendu des dĂ©positions les 28, 29 et 30 septembre ainsi que le 9 novembre 2011 relativement aux allĂ©gations dont le dĂ©tail figure Ă lâannexe A de lâavis dâaudience liĂ© Ă lâaffaire en cause, datĂ© du 11 avril 2011. [4]       Le comitĂ© dâaudition est tenu de tirer des conclusions de fait en sâappuyant sur les Ă©lĂ©ments de preuve obtenus et de dĂ©terminer ensuite si ces Ă©lĂ©ments de preuve permettent dâĂ©tablir que la conduite du juge de paix Massiah relĂšve de lâinconduite judiciaire. [5]       Lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, M. Hunt, soutient que la preuve dĂ©montre quâil y a eu inconduite judiciaire. [6]       M. Bhattacharya estime quant Ă lui que cette preuve dĂ©montre quâil y a eu un malentendu entre le juge de paix Massiah et divers membres du personnel du tribunal, mais que ses actes ne peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă une inconduite judiciaire. [7]       Pour dĂ©terminer si lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation a dĂ©montrĂ© quâil y avait eu inconduite judiciaire, le comitĂ© doit en ĂȘtre convaincu selon le critĂšre de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s.LA PREUVE
PremiĂšre allĂ©gation de AA, paragraphe 2 de lâannexe A
[8]       Le ou vers le 29 juillet 2010, AA accomplissait son travail de greffiĂšre du tribunal Ă la Cour de lâOntario et lorsquâelle sâest prĂ©sentĂ©e au bureau du juge de paix Massiah dans le cadre de lâexĂ©cution de ses fonctions. Le juge de paix Massiah lui a demandĂ© de sâasseoir sur un divan qui se trouvait lĂ et il a fait rouler sa chaise pour se placer devant elle et lui a dit ce qui suit : « Vous avez de beaux yeux et je veux y plonger mon regard. » AA lui a rĂ©pondu :  « Votre Honneur », puis elle sâest levĂ©e dans le but de partir. Le juge de paix Massiah lui a alors dit :  « Ne partez pas » ou  « Ne vous sauvez pas ». Le juge de paix Massiah lui a ensuite demandĂ© :  « Quelle couleur sont vos  yeux? Y a-t-il du vert dans la couleur de vos yeux? » Il lui a aussi demandĂ© si ses yeux changeaient de couleur selon le temps quâil faisait. Mme AA est alors sortie du bureau. Plus tard ce jour-lĂ , sâexprimant relativement Ă ces commentaires, le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© ce qui suit Ă AA :  « Jâen dĂ©duis que vous nâaimez pas les compliments et que vous prĂ©fĂ©rez les insultes. »DĂ©position de AA en date du 28 septembre 2011.
[9]       AA a indiquĂ© quâĂ la date en cause, elle est entrĂ©e dans le bureau du juge de paix Massiah afin de lui faire signer des documents de libĂ©ration. Tous les deux conversaient normalement lorsque le juge de paix Massiah a tirĂ© sa chaise pour se placer devant elle et a commencĂ© Ă lui dire quâelle avait de trĂšs beaux yeux et quâil voulait y plonger son regard. [10]     AA a mentionnĂ© au comitĂ© que les commentaires au sujet de ses yeux lâavaient mise mal Ă lâaise et quâelle Ă©tait sortie du bureau. [11]     Elle aussi a indiquĂ© que le juge de paix Massiah lui avait demandĂ© si elle avait des yeux verts ou sâils tournaient au vert. AA a rĂ©pondu que ses yeux nâĂ©taient pas verts. [12]     AA a dĂ©clarĂ© quâau moment oĂč elle sortait du bureau, elle croit que le juge de paix Massiah a dit :  « Ne partez pas » ou  « Ne vous sauvez pas. » Elle a indiquĂ© quâil Ă©tait possible que le juge de paix Massiah lui ait dit :  « Non, attendez, ne vous sauvez pas. » Ă ce stade-lĂ , il se peut que Monsieur le juge ait signĂ© les documents quâelle a ensuite rapportĂ©s afin de les utiliser aux fins prĂ©vues. [13]     AA nâest pas certaine du moment exact du jour oĂč cet incident est survenu. [14]     AA a dit quâau moment oĂč elle a ramenĂ© le juge de paix Massiah Ă la salle dâaudience plus tard ce jour-lĂ , il lui a dit :  « Jâen dĂ©duis que vous nâaimez pas les compliments et que vous prĂ©fĂ©rez les insultes. » [15]     AA a Ă©tĂ© complĂštement prise de court par ce commentaire et elle a mentionnĂ© au comitĂ© quâelle nâavait pas su comment y rĂ©agir, mais quâelle avait rĂ©pondu ce qui suit au juge de paix Massiah :  « Je ne sais quoi vous dire. » [16]     Elle a reconnu quâil se peut que le juge de paix Massiah ait considĂ©rĂ© quâen lui rĂ©pondant de la sorte, elle avait voulu rĂ©agir de maniĂšre joviale ou comique. [17]     AA a confirmĂ© quâelle entretenait habituellement  « des rapports corrects » avec le juge de paix Massiah. [18]     AA a avisĂ© sur-le-champ MM, une collĂšgue greffiĂšre, de ce qui Ă©tait arrivĂ© et elle a cru que MM avait peut-ĂȘtre dit quelque chose au juge de paix Massiah qui lâavait incitĂ© Ă faire son dernier commentaire. [19]     Elle a aussi pris connaissance du message affichĂ© par MM sur sa page Facebook, qui se lisait comme suit :  « Il est arrivĂ© quelque chose de comique au palais de justice aujourdâhui. Parlez-en Ă AA. » [20]     AA a alors prĂ©cisĂ© de façon on ne peut plus claire quâelle ne trouvait pas que lâincident avait quoi que ce soit de comique. [21]     AA a aussi racontĂ© Ă GG ce qui sâĂ©tait passĂ©.DĂ©position de KK en date du 29 septembre 2011
[22]     KK a mentionnĂ© au comitĂ© quâelle se souvenait que AA lui avait dit que le juge de paix Massiah lui avait fait des commentaires au sujet de ses yeux dans son bureau et que la façon dont il lâavait fait lâavait mise mal Ă lâaise. [23]     KK a suggĂ©rĂ© Ă AA de signaler lâincident Ă quelquâun. AA lui a rĂ©pondu :  « Ce sera ma parole contre la sienne et personne ne va me croire. »DĂ©position de MM en date du 29 septembre 2011
[24]     MM a confirmĂ© que AA lui avait dit que le juge de paix Massiah lâavait regardĂ©e dans les yeux et quâil lâavait peut-ĂȘtre fait avec insistance le jour de lâincident. [25]     MM a trouvĂ© la situation hilarante et en a parlĂ© sur sa page Facebook. MM a mentionnĂ© au comitĂ© quâelle supposait que sa perception de lâincident, par opposition Ă celle de AA, Ă©tait fondĂ©e sur le fait que comparativement Ă dâautres personnes, il lui fallait (Ă MM) plus quâun incident de ce genre pour se sentir offensĂ©e. De mĂȘme, elle a dĂ©clarĂ© que les badineries du juge de paix Massiah ne lâont jamais dĂ©rangĂ©e.DĂ©position de GG en date du 29 septembre 2011.
[26]     GG a confirmĂ© que AA lui avait parlĂ© dâun incident lors duquel le juge de paix Massiah lui avait demandĂ© de sâasseoir sur le divan. Le juge avait ensuite fait rouler sa chaise vers elle et lui avait dit : « Vous avez de beaux yeux et jâaimerais y plonger mon regard. » Ces commentaires lâont embarrassĂ©e. La fois suivante oĂč AA a emmenĂ© le juge de paix Massiah Ă la salle dâaudience, il lui a dit : « Jâen dĂ©duis que vous nâaimez pas les compliments et que vous prĂ©fĂ©rez les insultes. » [27]     GG Ă©tait une greffiĂšre du tribunal qui Ă©tait responsable de la formation et elle a mentionnĂ© au comitĂ© dâaudition que par le passĂ©, elle avait mis en garde dâautres greffiĂšres au sujet des commentaires inappropriĂ©s du juge de paix Massiah. Elle a indiquĂ© que ces commentaires visaient habituellement les greffiĂšres plus jeunes et plus soumises. [28]     GG trouvait que le juge de paix Massiah Ă©tait une personne sociable.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[29]     Le juge de paix Massiah a indiquĂ© que le jour en question, il avait remarquĂ© que AA avait lâair penaud et quâelle Ă©tait peu enjouĂ©e. Il avait pensĂ© quâil lui remonterait le moral en lui disant quelque chose de plaisant. [30]     Il a dĂ©clarĂ© quâil lâavait invitĂ©e Ă sâasseoir durant quelques instants et quâil lui avait demandĂ© comment elle allait. AA sâest assise sur le divan et le juge de paix Massiah a tournĂ© sa chaise pour lui faire face. Ă ce moment-lĂ , il a remarquĂ© que AA paraissait plus dĂ©tendue et joviale. [31]     Le juge de paix Massiah a admis lui avoir dit :  « Vous avez de jolis yeux .»  « Ils sont mĂȘme trĂšs beaux. »  « Regardez, regardez, ils sont en train de changer de couleur. » [32]     Lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, M. Hunt, a  questionnĂ© le juge de paix Massiah comme suit :« Mais nây a-t-il pas… nây a-t-il pas une petite alarme qui a sonnĂ© dans votre tĂȘte Ă ce moment-lĂ pour vous faire rĂ©aliser que vous Ă©tiez en train de faire des commentaires sur ses yeux et de lui dire quâils Ă©taient beaux et quâils Ă©taient en train de changer de couleur? Nâavez-vous pas entendu une cloche dâalarme, vous savez, pour vous rappeler que ce genre de comportement relĂšve du harcĂšlement sexuel ou fondĂ© sur le sexe de la personne, quâil sâagit de commentaires personnels sur le physique dâune personne? Nâavez-vous donc pas pensĂ© Ă cela? »
[33]     Le juge de paix Massiah lui a rĂ©pondu ce qui suit :  « Non, monsieur. Hum, AA a de beaux yeux. » [34]     Le juge de paix Massiah a niĂ© quâil avait dit quâil voulait plonger son regard dans les yeux de AA. [35]     Le juge de paix Massiah a reconnu quâil avait remarquĂ© que AA avait Ă©tĂ© un peu prise de court par ses commentaires, mais il nâa pas dĂ©tectĂ© de malaise chez elle. Elle avait dâailleurs ensuite souri. [36]     Le juge de paix Massiah a convenu quâil avait signĂ© certains documents, mais, selon lui, ils lui ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s Ă un moment autre que celui mentionnĂ© par AA. [37]     Il se souvient aussi dâavoir demandĂ© Ă AA de revenir pour rĂ©cupĂ©rer les documents et dâavoir utilisĂ© Ă ce moment-lĂ lâexpression :  « Attendez ». [38]     Le juge de paix Massiah a niĂ© quâil avait utilisĂ© une quelconque expression ayant le sens de « se sauver ». [39]     Le juge de paix Massiah a niĂ© avoir fait quelque commentaire que ce soit au sujet de quelconques insultes.DeuxiĂšme allĂ©gation de AA, paragraphe 3 de lâannexe A
[40]     Quelques mois plus tĂŽt en 2010, AA sortait dâun ascenseur au palais de justice avec une collĂšgue. Alors quâelles marchaient en direction dâune salle dâaudience, elles sont passĂ©es Ă cĂŽtĂ© du juge de paix Massiah et lui ont dit « bonjour ». Ă ce moment, le juge de paix Massiah est allĂ© Ă la rencontre de AA, a saisi sa main et lui a dit :  « HĂ©, jeune femme. » AA et sa collĂšgue ont ensuite poursuivi leur marche en direction de la salle dâaudience.DĂ©position de AA en date du 28 septembre 2011
[41]     AA a dĂ©clarĂ© que le jour en question, elle et HH sortaient de lâascenseur lorsque le juge de paix Massiah lui a dit :  « Aie, jeune femme. » Il sâest ensuite approchĂ© dâelle et lui a pris la main. [42]     AA et HH ont poursuivi leur marche. Une fois entrĂ©es dans la salle dâaudience, AA a dit que HH lui a alors demandĂ© si le juge de paix Massiah lui avait pris la main et elle lui a rĂ©pondu par lâaffirmative. [43]     Lors de son contre-interrogatoire, AA a reconnu que le contact physique en cause sâapparentait davantage Ă un effleurement de main.DĂ©position de HH en date du 29 septembre 2011
[44]     HH a mentionnĂ© au comitĂ© quâelle se souvient que AA lui avait dit quelque chose au sujet du fait que le juge de paix Massiah avait tenu ou saisi sa main. Mais HH a indiquĂ© quâelle ne se souvenait pas dâavoir Ă©tĂ© aux cĂŽtĂ©s de AA lorsque lâincident est survenu.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[45]     Le juge de paix Massiah a confirmĂ© quâil avait fait un geste en direction de AA afin de lui serrer la main. Il a aussi dĂ©clarĂ© quâil ne croit pas quâelle lâa vu, ou quâelle Ă©tait peut-ĂȘtre en train de dĂ©tourner son regard, de sorte que sa main a touchĂ© Ă la sienne lorsquâils se sont croisĂ©s.TroisiĂšme allĂ©gation de AA, paragraphe 4 de lâannexe A
[46]     Un jour de 2009, AA a eu lâoccasion dâaller dans le bureau du juge de paix Massiah pour lui faire signer des documents. Un autre juge de paix sây trouvait.  Lorsque AA est entrĂ©e dans le bureau du juge de paix Massiah, elle a remarquĂ© quâil Ă©tait en train de boutonner ou de dĂ©boutonner sa chemise. Elle sâest alors excusĂ©e de son intrusion et le juge de paix Massiah lui a dit :  « Dâaccord, si jamais vous voulez me voir sans ma chemise, vous nâavez quâĂ me le dire. »DĂ©position de AA en date du 28 septembre 2011
[47]     AA a indiquĂ© quâĂ un certain moment en 2009, elle est allĂ©e au bureau du juge de paix Massiah pour lui faire signer des documents. Lorsquâelle y est entrĂ©e, elle a remarquĂ© quâun autre juge de paix Ă©tait prĂ©sent, mais elle nâarrive pas Ă se souvenir de son nom. Au mĂȘme moment, elle a observĂ© que le juge de paix Massiah Ă©tait en train de boutonner ou de dĂ©boutonner sa chemise. AA lui a alors dit :  « Oh, je suis dĂ©solĂ©e, Votre Honneur» et le juge de paix Massiah lui a rĂ©pondu :  « Il nây a pas de problĂšme. Si jamais vous voulez me voir sans ma chemise, vous nâavez quâĂ me le dire. » [48]     AA nâa pas rĂ©pondu au juge de paix Massiah. Mais elle a indiquĂ© quâelle avait signalĂ© lâincident Ă de nombreuses personnes, dont elle nâarrive plus Ă se souvenir du nom. [49]     AA a dĂ©clarĂ© quâelle nâa pas signalĂ© cet incident Ă ses supĂ©rieurs car elle craignait quâils ne la croient pas Ă©tant donnĂ© quâelle Ă©tait juste une greffiĂšre et que M. Massiah Ă©tait un juge de paix. De plus, elle nâavait pas lâimpression que quelque chose allait lui arriver et elle nâĂ©tait pas prĂ©occupĂ©e non plus par sa sĂ©curitĂ©. Quoi quâil en soit, AA a affirmĂ© que les commentaires en cause lâavaient mise mal Ă lâaise.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[50]     Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© au comitĂ© quâil se rappelait de lâincident en question. Il a indiquĂ© quâau moment oĂč AA est venue Ă son bureau, il lui a dit quâil sâoccuperait dâelle dans un instant. Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© quâil Ă©tait en train de blaguer avec un collĂšgue au sujet de ses muscles. [51]     Lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, M. Hunt, a paru surpris lorsque le juge de paix Massiah a affirmĂ© quâun autre juge de paix Ă©tait prĂ©sent Ă ce moment-lĂ . M. Hunt a renvoyĂ© le juge de paix Massiah Ă ce quâil avait rĂ©pondu au Conseil dâĂ©valuation en fĂ©vrier 2011 au sujet de cette allĂ©gation et le juge de paix Massiah a convenu quâil nâavait pas fait de commentaires relatifs Ă ses muscles Ă quelquâun dâautre. [52]     Le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© quâil sâĂ©tait rappelĂ© des commentaires quâil avait faits Ă un collĂšgue au sujet de ses muscles le soir prĂ©cĂ©dant le jour oĂč il a tĂ©moignĂ© Ă lâaudience. [53]     Le juge de paix Massiah a catĂ©goriquement niĂ© toute allĂ©gation relative au fait quâil aurait dit :  « Il nây a pas de problĂšme. Si jamais vous voulez me voir sans ma chemise, vous nâavez quâĂ me le dire. »PremiĂšre allĂ©gation de BB, paragraphe 5 de lâannexe A
[54]     En mai 2010, BB marchait le long dâun corridor protĂ©gĂ© dans le palais de justice lorsque le juge de paix Massiah sâest dĂ©pĂȘchĂ© pour la rattraper et lui a dit quâelle avait fiĂšre allure. Plus tard ce jour-lĂ , BB se trouvait dans une petite salle de photocopie au sous-sol du palais de justice lorsque le juge de paix Massiah lui a bloquĂ© la sortie et lui a dit :  « Je vais mâassurer que vous ne finirez pas plus tard que 16 h 30. Vous devez avoir un rendez-vous car vous ĂȘtes tellement bien mise. »DĂ©position de BB en date du 28 septembre 2011
[55]     BB a indiquĂ© quâen 2010, elle Ă©tait rendue Ă lâĂ©tape de la formation qui prĂ©cĂšde lâaccession au poste de greffiĂšre du tribunal. On lui avait donnĂ© des directives pour quâelle emmĂšne le juge de paix Massiah Ă la salle dâaudience. Elle sâest rendue Ă son bureau et lorsquâelle a constatĂ© quâil lâavait vue, elle a commencĂ© Ă marcher vers la salle dâaudience. BB a dĂ©clarĂ© que le juge de paix Massiah semblait lâavoir rattrapĂ©e rapidement et quâil a fait des commentaires au sujet du fait quâelle Ă©tait vraiment ravissante. BB nâa pas rĂ©agi Ă ces commentaires et elle a poursuivi sa marche vers la salle dâaudience. Elle a indiquĂ© quâelle se sentait grandement indisposĂ©e par ces paroles. [56]     BB a confirmĂ© que le mot que le juge avait employĂ©  « voulait dire que je paraissais vraiment bien ce jour-lĂ . Je ne me souviens cependant pas si câest lâexpression exacte quâil a utilisĂ©e. » [57]     BB a mentionnĂ© ce qui lui Ă©tait arrivĂ© aux greffiĂšres avec qui elle travaillait. Elle Ă©tait irritĂ©e par les commentaires que le juge lui avait faits. [58]     Plus tard ce jour-lĂ , durant une pause, BB Ă©tait en train de photocopier des documents. Le juge de paix Massiah se trouvait dans lâencoignure de la porte de la salle de photocopie et il a dit Ă BB de sâassurer de ne pas quitter plus tard que 16 h 30 pour aller sâamuser Ă©tant donnĂ© que, vĂȘtue comme elle Ă©tait, elle devait sĂ»rement avoir un rendez-vous galant. [59]     BB a fait part de ces commentaires Ă sa mĂšre plus tard ce jour-lĂ . [60]     BB estime que tout le monde traitait le comportement du juge de paix Massiah comme sâil sâagissait dâune chose Ă prendre Ă la lĂ©gĂšre.DĂ©position de HH en date du 28 septembre 2011
[61]     HH donnait de la formation Ă BB et elle sâest souvenue que BB lui avait fait part de certains commentaires, mais elle nâĂ©tait pas certaine de leur teneur exacte et elle ne savait pas non plus si ces commentaires lâavaient perturbĂ©e ou embarrassĂ©e.DĂ©position de JJ en date du 29 septembre 2011
[62]     La mĂšre de BB a confirmĂ© que sa fille lui a rapportĂ© les commentaires du juge sur sa tenue, et que sa fille semblait contrariĂ©e par les Ă©vĂ©nements. [63]     La mĂšre de BB lui a dit quâelle devait faire le nĂ©cessaire pour que ce comportement inappropriĂ© cesse, mais sa fille semblait avoir adoptĂ© le point de vue selon lequel les autres greffiĂšres travaillaient au tribunal depuis plus longtemps quâelle et aucune dâentre elles nâavait fait quoi que ce soit pour rĂ©gler cette situation.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[64]     Le juge de paix Massiah semblait tout Ă fait au courant des commentaires que les gens faisaient sur lâapparence de BB lorsquâon lui a prĂ©sentĂ© ladite BB. [65]     Il importe de noter que dans la transcription de sa dĂ©position, le juge de paix Massiah confond BB avec FF, mais il nây a aucun doute que cette dĂ©position se rapporte Ă lâallĂ©gation de BB. [66]     Le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© ce qui suit :« On mâa prĂ©sentĂ© une greffiĂšre. Heather, la greffiĂšre responsable de la formation, a amenĂ© FF [ici, le juge fait plutĂŽt allusion Ă BB] qui, Ă mes yeux, Ă©tait exceptionnellement bien vĂȘtue. Je parle de talons hauts et dâune personne qui sâĂ©tait mise sur son trente?six, et on mâavait dit que cette greffiĂšre serait… Ă©tait en formation et quâelle serait ma greffiĂšre pour la journĂ©e. Je lâai donc accueilli et je lui ai dit : â Vous ĂȘtes ravissante. â »
[67]     Le juge de paix Massiah a aussi dĂ©clarĂ© ce qui suit dans le cadre de sa dĂ©position :« ⊠je mâimagine cela parce que je le vois trĂšs clairement. Je mâen souviens tellement bien, de façon si limpide (…) Je lâai accueillie en tant que membre de lâĂ©quipe et nous avons parlĂ© un peu dâelle et de ce quâelle accomplirait dans le systĂšme judiciaire ou en collaboration avec moi. »
[68]     Le juge de paix Massiah a maintenu que son commentaire visait Ă enthousiasmer BB. [69]     Lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, M. Hunt, a demandĂ© ce qui suit au juge de paix Massiah :« Et encore une fois, nâavez-vous pas eu une hĂ©sitation, en quelque sorte, lorsque vous avez commencĂ© Ă faire des commentaires au sujet de lâapparence de la greffiĂšre et que vous lui avez dit quâelle Ă©tait ravissante, nâavez-vous pas songĂ© que vous vous engagiez dans une voie qui mĂšne au harcĂšlement et Ă la discrimination? »
[70]     Le juge de paix Massiah a ainsi rĂ©agi Ă cette insinuation de M. Hunt :« Je ne savais pas, monsieur, quâun compliment ou le fait de complimenter quelquâun peut ĂȘtre assimilĂ© Ă ce que vous semblez considĂ©rer comme du harcĂšlement, monsieur. »
[71]     Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© au comitĂ© que la sĂ©ance du tribunal avait pris fin vers 16 h 30, et il quâil avait dit ce qui suit Ă tout le personnel :« Bonne nouvelle. Il semblerait que notre journĂ©e sâest terminĂ©e tĂŽt. TrĂšs bien, donc mĂȘme ceux qui ont un rendez-vous galant, et ceux qui ont dâautre chose Ă faire, le temps est venu de passer Ă lâaction. »
[72]     Il a dĂ©clarĂ© que les commentaires prĂ©citĂ©s ne sâadressaient pas expressĂ©ment Ă BB mais plutĂŽt Ă tout le groupe des employĂ©s. [73]     Le juge de paix Massiah nie catĂ©goriquement sâĂȘtre placĂ© dans lâencoignure de la porte de la salle de photocopie lorsque BB se trouvait dans cette salle.DeuxiĂšme allĂ©gation de BB, paragraphe 6 de lâannexe A
[74]     Un jour de juillet 2010, le juge de paix Massiah sâest approchĂ© de BB qui Ă©tait alors assise seule dans la cafĂ©tĂ©ria du palais de justice et il a posĂ© sa main sur son bras tout en lui demandant comment elle allait.DĂ©position de BB en date du 28 septembre 2011
[75]     BB Ă©tait assise seule Ă la cafĂ©tĂ©ria du palais de justice en juin ou juillet 2010 et elle attendait que des amis se joignent Ă elle. [76]     BB a dit que le juge de paix Massiah est passĂ© Ă cĂŽtĂ© dâelle et quâil a mis sa main sur son Ă©paule puis lâa retirĂ©e ou quelque chose du genre, et quâil lui a dit quelque chose. Lors deson contre-interrogatoire, elle a reconnu que le juge de paix Massiah lui avait peut-ĂȘtre demandĂ© comment elle allait et quâil avait peut-ĂȘtre posĂ© sa main sur son bras.
[77]     Elle a rejetĂ© lâidĂ©e voulant que ce contact nâĂ©tait quâun simple effleurement. Elle a dĂ©clarĂ© que ledit contact avait durĂ© plusieurs secondes. [78]     BB se sentait  « vraiment mal Ă lâaise », particuliĂšrement Ă cause du dernier incident.DĂ©position de JJ en date du 30 septembre 2011
[79]     La mĂšre de BB a affirmĂ© Ă lâaudience que sa fille lui avait dit que le juge de paix Massiah lâavait approchĂ©e par-derriĂšre et quâil avait posĂ© sa main sur son dos et lâavait frottĂ©. [80]     Elle a dit que sa fille avait Ă©tĂ© irritĂ©e par cette rencontre.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[81]     Le juge de paix reconnaĂźt quâau moment oĂč il est passĂ© Ă cĂŽtĂ© de BB dans la cafĂ©tĂ©ria, il lui avait donnĂ© une petite tape sur la main et lui avait demandĂ© comment elle allait.PremiĂšre allĂ©gation de CC, paragraphe 7 de lâannexe A
[82]     Un jour de novembre 2009, CC agissait comme greffiĂšre au tribunal des cautionnements. Elle sâest prĂ©sentĂ©e au bureau du juge de paix Massiah pour y accomplir ses fonctions. Le juge de paix R. Ă©tait aussi prĂ©sent dans le bureau. Ce dernier a mentionnĂ© quâil avait entendu quâil fallait fĂ©liciter CC. Le juge de paix Massiah lui a demandĂ© pourquoi et CC a rĂ©pondu quâelle Ă©tait enceinte depuis treize semaines. Le juge de paix Massiah a ri et a dit ce qui suit Ă CC :  « On devine bien le genre de choses que vous faisiez il y a treize semaines », tout en lui donnant un petit coup de coude.DĂ©position de CC en date du 28 septembre 2011
[83]     CC a dĂ©clarĂ© quâen novembre 2009, elle Ă©tait allĂ©e quĂ©rir le juge de paix Massiah dans le secteur du palais de justice oĂč se trouve son bureau. Le juge de paix R. Ă©tait aussi prĂ©sent et a indiquĂ© quâil y avait lieu de fĂ©liciter la greffiĂšre. [84]     Lorsque le juge de paix Massiah a appris que CC Ă©tait enceinte depuis treize semaines, CC a dĂ©clarĂ© que le juge de paix Massiah lâa fĂ©licitĂ©e et, lorsquâils se sont retrouvĂ©s dans le corridor, il lui a donnĂ© un petit coup de coude et lui a dit :  « On devine bien le genre de choses que vous faisiez il y a treize semaines. » [85]     CC a aussi dit quâil Ă©tait possible que le juge de paix Massiah ait Ă©galement dit :  « Vous Ă©tiez donc pas mal occupĂ©e. » Elle a reconnu que ce commentaire avait Ă©tĂ© fait Ă la blague. [86]     CC a mentionnĂ© quâelle avait Ă©tĂ© un peu contrariĂ©e et embarrassĂ©e par ce commentaire, mais quâelle avait fait semblant dâen rire.DĂ©position du juge de paix R. en date du 28 septembre 2011
[87]     Le juge de paix R. a confirmĂ© que lorsque CC Ă©tait venue dans le bureau, il lâavait fĂ©licitĂ©e et elle lui avait confirmĂ© quâelle Ă©tait enceinte. [88]     Le juge de paix R. a ensuite dĂ©clarĂ© que le juge de paix Massiah avait dit :  « Eh bien, jeune femme, on devine bien le genre de choses que vous faisiez il y a environ treize semaines. » Il a confirmĂ© que ce commentaire avait Ă©tĂ© fait Ă la blague. [89]     Le juge de paix R. a dit ce qui suit :  « Je ne me souviens pas quâelle [CC] riait. Je me souviens quâelle regardait le juge, si je peux me permettre dâutiliser cette expression, dâun air soupçonneux. Elle semblait quelque peu mĂ©dusĂ©e. » [90]     Il a semblĂ© au juge de paix R. que le juge de paix Massiah avait Ă tout le moins tenter de donner un petit coup de coude Ă CC. [91]     Le juge de paix R. a mentionnĂ© au comitĂ© que le commentaire du juge de paix Massiah le rendait mal Ă lâaise car il semblait inappropriĂ©. Bien quâil pensait que la conduite du juge nâĂ©tait pas convenable, il ne lui en a pas parlĂ© Ă ce moment-lĂ ni par la suite.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[92]     Le juge de paix Massiah a reconnu quâil avait fĂ©licitĂ©e CC pour sa grossesse et quâil lui avait dit :  « FĂ©licitations. Ma foi, vous avez dĂ» ĂȘtre trĂšs occupĂ©e. » [93]     Mais il a niĂ© lui avoir donnĂ© un petit coup de coude ou lâavoir touchĂ©e ou encore lui avoir dit :  « Eh bien, jeune femme, on devine bien le genre de choses que vous faisiez il y a environ treize semaines. » [94]     Le juge de paix Massiah a semblĂ© reconnaĂźtre avec rĂ©ticence que dans lâĂ©ventualitĂ© oĂč il aurait vraiment fait les commentaires prĂ©citĂ©s, cela constituerait des commentaires dâordre sexuel. Et il ne sâest pas prononcĂ© sur la question de savoir si ce genre de remarque Ă©tait convenable en milieu de travail. LâĂ©change suivant entre lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, M. Hunt, et le juge de paix Massiah met cette question en relief :Q. Et vous seriez dâaccord avec moi pour dire que ce genre de remarque comporte indĂ©niablement une connotation sexuelle, nâest-ce pas?
R. Cela pourrait ĂȘtre infĂ©rĂ©…
Q. Nâest-ce pas?
R. âŠOui.
[…]
Q. … Ont-ils tous deux [CC et le juge de paix R.] mal compris quelque chose que vous aviez dit?
R. Selon ce que jâen sais et Ă mon avis, oui, monsieur. Tout cela est sujet Ă interprĂ©tation, monsieur.
Q. Et seriez-vous dâaccord avec moi pour dire que ce genre de remarque nâa pas sa place en milieu de travail?
R. Si cela a Ă©tĂ© dit, ouais, de la façon que vous voulez le prĂ©senter, monsieur, cela pourrait ĂȘtre troublant, oui.
Q. Troublant? Câest totalement inappropriĂ©, non?
R. JâhĂ©site Ă faire des commentaires sur le sens quâon pourrait donner au mot « inappropriĂ© » dans ce contexte, monsieur. Je ne saurais dire.
(…)
Q. Mais seriez-vous dâaccord avec moi pour dire quâune femme enceinte qui se trouve Ă son travail… quâon ne devrait pas faire de commentaires Ă cette femme Ă propos dâun incident sexuel ayant provoquĂ© sa grossesse?
R. Monsieur.
Q. Cela nâest vraiment pas correct, nâest-ce pas?
R. Câest une prĂ©somption, monsieur, et je… je mâinquiĂšte du fait que les choses sont prĂ©sentĂ©es dans le sens de cette dĂ©claration, monsieur.
Q. TrĂšs bien.
R. Cela nâa pas Ă©tĂ© le cas.
[95]     Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© au comitĂ© quâau moment oĂč il a utilisĂ© lâexpression « jeune femme », cela avait peut-ĂȘtre une connotation culturelle et se voulait comme une salutation qui englobait de petites questions dâusages telles que  « Quoi de neuf ? » ou  « Comment ça va ? » Il nâavait aucunement lâintention de dĂ©nigrer la personne Ă qui il sâadressait. Personne ne lui avait jamais laissĂ© entendre que ce genre dâapproche Ă©tait peut-ĂȘtre inappropriĂ©e. Il a aussi indiquĂ© de son propre chef quâaprĂšs y avoir rĂ©flĂ©chi, il nâutiliserait plus cette expression.DeuxiĂšme allĂ©gation de CC, paragraphe 8 de lâannexe A
[96]     En dâautres occasions, le juge de paix Massiah a embarrassĂ© CC en commentant sa tenue vestimentaire et sa coiffure, en la regardant avec insistance et en se pĂąmant dâadmiration devant elle.DĂ©position de CC en date du 28 septembre 2011
[97]     CC a indiquĂ© quâil arrivait Ă lâoccasion que le juge de paix Massiah commente son apparence. [98]     Elle a indiquĂ© que dâautres jeunes filles avaient mentionnĂ© que le juge de paix Massiah les regardait avec insistance. Mais elle a dit quâil nâagissait pas de cette façon avec elle.TroisiĂšme allĂ©gation de CC, paragraphe 9 de lâannexe A
[99]     Le ou vers le mois de mars ou dâavril 2010, CC travaillait dans lâaire de la cour dâaccĂšs. Alors quâelle Ă©tait penchĂ©e sur le bureau de KK Ă qui elle parlait, le juge de paix est passĂ© Ă cĂŽtĂ© dâelle et lui a donnĂ© une tape sur les fesses.DĂ©position de CC en date du 28 septembre 2011
[100]   CC a dĂ©clarĂ© lors de sa dĂ©position quâelle Ă©tait appuyĂ©e sur un poste de travail pendant quâelle parlait avec une collĂšgue, ce qui explique que son postĂ©rieur ressortait un peu. [101]   CC a dĂ©clarĂ© quâelle a remarquĂ© le juge de paix Massiah pendant quâil passait Ă cĂŽtĂ© dâelle et quâelle a eu la sensation de recevoir une tape sur son postĂ©rieur. Le juge de paix nâa rien dit. [102]   CC a reconnu que ce contact sâĂ©tait peut-ĂȘtre produit de maniĂšre accidentelle, mais que lâincident lâavait mise mal Ă lâaise. [103]   CC a alors dit ce qui suit Ă KK, la personne avec qui elle parlait :  « Je crois quâil vient de me donner une tape sur les fesses. » [104]   CC a aussi dĂ©clarĂ© ce qui suit :  « Je crois que je me suis demandĂ© si cela avait pu ĂȘtre une erreur, un accident, si le geste avait Ă©tĂ© fait intentionnellement. Je nâĂ©tais pas sĂ»re. » [105]   Lors de son contre-interrogatoire, CC a convenu, en rĂ©ponse aux suggestions de M. Bhattacharya, de la possibilitĂ© que le contact reprochĂ© ait Ă©tĂ© accidentel. LâĂ©change qui suit rĂ©vĂšle le point de vue de la plaignante sur cette affaire :Q. [Vous] reconnaissez aujourdâhui que sâil y a eu un contact avec Monsieur le juge Massiah, cela pourrait avoir Ă©tĂ© accidentel, nâest-ce pas?
R. Je suis dâaccord avec ce que vous dites. Je crois que ce contact a pu ĂȘtre [accidentel], mais je crois aussi que sâil avait Ă©tĂ© conscient de mâavoir touchĂ©e, il se peut quâil se serait tournĂ© vers moi et quâil aurait dit :  « Oh, je suis dĂ©solĂ©. » Mais il nâa rien dit. Je crois quâil lâa fait exprĂšs.
Q. Ou il est aussi possible que sâil ne se soit pas rendu compte quâil vous avait touchĂ©e, que câĂ©tait quelque chose quâil tenait dans sa main, ou que câĂ©tait une partie de son corps qui Ă©tait en entrĂ©e en contact avec vous sans quâil sâen aperçoive?
R. Cela est Ă©galement possible.
DĂ©position de KK en date du 29 septembre 2011
[106]   KK a confirmĂ© que CC avait dit que le juge de paix Massiah avait touchĂ© son postĂ©rieur, et quâelle semblait trĂšs mal Ă lâaise. [107]   KK a demandĂ© Ă CC si au fond, tout ce qui sâĂ©tait passĂ©, câĂ©tait que le juge de paix Massiah avait essayĂ© de la contourner et de passer autour des poubelles et du bac de recyclage.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[108]   Le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© quâil ne se souvenait pas dâavoir vu CC dans le contexte quâelle a dĂ©crit. [109]   Il a reconnu que sâil sâĂ©tait bel et bien dĂ©placĂ© de la maniĂšre dĂ©crite, il se pouvait quâil ait eu un contact accidentel avec CC sans sâen rendre compte. [110]   Le juge de paix Massiah a aussi dit quâil marchait gĂ©nĂ©ralement de maniĂšre vigoureuse et que cela Ă©tait liĂ© Ă ses antĂ©cĂ©dents militaires.AllĂ©gation de DD, paragraphe 10 de lâannexe A
[111]   En 2009, DD travaillait comme greffiĂšre au tribunal avec le juge de paix Massiah. Ă la fin des procĂ©dures judiciaires, DD est allĂ©e dans le bureau du juge de paix Massiah pour lui faire signer les documents nĂ©cessaires. La porte Ă©tait entrouverte, DD a donc cognĂ© et le juge lui a dit dâentrer et lui a demandĂ© pourquoi elle avait cognĂ©. DD a expliquĂ© quâelle voulait sâassurer que le juge de paix Massiah Ă©tait  « prĂ©sentable ». Le juge lui a rĂ©pondu :  « Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune. » (« It is not like you havenât seen anything like that before. Mine is just brown. »); la version originale anglaise est fournie ici Ă titre indicatif car la consonance de certains mots anglais sera mise en cause plus loin dans les prĂ©sents motifs de dĂ©cision).ÂDĂ©position de DD en date du 28 septembre 2011
[112]   DD a dĂ©clarĂ© quâun jour de lâhiver 2009 aprĂšs 17 h, elle est allĂ©e voir le juge de paix Massiah dans son bureau pour lui faire signer des documents. La porte Ă©tait entrouverte et elle a donc cognĂ©. [113]   Elle a indiquĂ© dans son tĂ©moignage que le juge de paix Massiah lui a demandĂ© pourquoi elle avait cognĂ© et elle lui a rĂ©pondu quâelle voulait sâassurer que tout le monde Ă©tait prĂ©sentable. Câest Ă ce moment-lĂ que le juge de paix Massiah a dit :  « Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune. » DD a prĂ©sumĂ© quâil faisait allusion Ă ses parties gĂ©nitales. [114]   Elle Ă©tait abasourdie par ce commentaire. Elle a dĂ©posĂ© les documents, elle est partie et elle a signalĂ© lâincident Ă LL et EE. [115]   Lors de son contre-interrogatoire, DD sâest montrĂ©e dâaccord avec la suggestion de M. Bhattacharya que  « [le juge de paix Massiah] Ă©tait habituellement sociable et plutĂŽt dĂ©tendu lorsquâil ne siĂ©geait pas au tribunal, et quâil badinait avec les employĂ©s. » [116]   De mĂȘme, DD sâest aussi montrĂ©e dâaccord avec lâavocat lorsquâil a suggĂ©rĂ© que le juge de paix Massiah blaguait peut-ĂȘtre au moment de lâincident, mais elle a prĂ©cisĂ© de maniĂšre trĂšs claire quâelle nâavait pas perçu la situation de cette façon. [117]   Lâavocat a demandĂ© Ă DD sâil se pouvait que le juge de paix Massiah avait dit ce qui suit :  « Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça, voici ma toge » (« Itâs not like anything you havenât seen before, thereâs my gown [« gown » rimant avec « brown »]). DD a catĂ©goriquement rejetĂ© cette hypothĂšse. [118]   DD a dĂ©clarĂ© quâelle nâavait pas signalĂ© lâincident parce quâelle ne voulait pas faire de remous au bureau.DĂ©position de LL en date du 29 septembre 2011
[119]   LL a confirmĂ© que DD lui avait signalĂ© lâincident susdĂ©crit mais elle ne se souvient pas si le qualificatif employĂ© Ă©tait « noire » ou « brune ». [120]   LL a mentionnĂ© au comitĂ© que ses souvenirs Ă©taient trĂšs confus en ce qui concerne les mots exacts employĂ©s par le juge, et quâelle pouvait seulement se rappeler de lâessentiel de sa conversation avec DD. [121]   Elle sâest par ailleurs souvenue que DD Ă©tait contrariĂ©e.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 29 septembre 2011
[122]   Le juge de paix Massiah nâĂ©tait pas sĂ»r que DD lui avait demandĂ© sâil Ă©tait prĂ©sentable. [123]   Mais il se souvient que le jour en question, il avait invitĂ© DD Ă venir dans son cabinet et lui avait dit quâil avait presque terminĂ©. [124]   Le juge de paix Massiah a absolument niĂ© avoir dit ce qui suit :  « Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune. » [125]   M. Bhattacharya nâa pas proposĂ© au juge de paix Massiah quâil aurait pu dire :  « Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. Voici ma toge. » Et lors de son tĂ©moignage, le juge de paix Massiah nâa pas avancĂ© non plus quâil avait peut?ĂȘtre dit pareille chose. [126]   Le juge de paix Massiah a laissĂ© entendre que DD lâavait mal entendu lorsquâil avait dit :  « Jâai presque terminĂ© » (en anglais : « Iâm almost done », qui pourrait en principe sonner comme « Mine is brown »]).PremiĂšre allĂ©gation de EE, paragraphe 11 de lâannexe A
[127]   En septembre ou octobre 2009, EE travaillait comme greffiĂšre dans un tribunal des cautionnements oĂč prĂ©sidait alors le juge de paix Massiah. Au moment oĂč EE est passĂ©e prĂšs du juge, elle lui a dit bonjour et celui-ci lui a rĂ©pondu :  «Sapristi, jeune femme, vous paraissez vraiment bien. DâoĂč viennent donc ces formes parfaites? » EE lui a alors rĂ©torquĂ© :  « Je ne sais pas, Votre Honneur. Jâai deux enfants. »DĂ©position de EE en date du 28 septembre 2011
[128]   EE et le juge de paix Massiah se sont croisĂ©s par hasard dans un corridor du palais de justice en 2009 et le juge lui a dit :  «Sapristi, jeune femme, dâoĂč viennent donc ces formes parfaites? » [129]   EE lui a rĂ©pondu  « Je ne sais pas. Jâai eu deux enfants, Votre Honneur. » [130]   EE a mentionnĂ© Ă lâaudience quâelle Ă©tait abasourdie et quâelle ne pouvait pas croire que le juge lui avait fait pareil commentaire. Elle nâa pas trouvĂ© ce commentaire amusant. Elle a reconnu que certains pourraient le considĂ©rer comme un compliment, mais pour sa part, ces commentaires lâont mise trĂšs mal Ă lâaise. [131]   MĂȘme si elle avait considĂ©rĂ© que le commentaire Ă©tait inappropriĂ©, elle avait Ă©tĂ© rĂ©ticente Ă faire une plainte officielle car elle ne voulait pas enclencher un tel processus. [132]   Lors du contre-interrogatoire, lâavocat a tirĂ© lâinformation suivante de la dĂ©claration initiale de EE en date du 25 aoĂ»t 2010, Ă lâoccasion de laquelle elle avait dĂ©clarĂ© ce qui suit Ă la personne qui lâinterrogeait :  « Cela [le commentaire] ne mâavait pas dĂ©rangĂ© Ă lâĂ©poque, mais je savais que câĂ©tait dĂ©placĂ©. » Elle a aussi affirmĂ© que le juge Ă©tait « un homme dĂ©goĂ»tant et quâelle ne porterait plus cette tenue. » [133]   EE a confirmĂ© quâelle savait que plusieurs employĂ©es utilisaient cette expression ( « homme dĂ©goĂ»tant ») pour dĂ©signer le juge de paix Massiah.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[134]   Le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© quâil avait travaillĂ© avec EE Ă plusieurs reprises et quâil lâavait complimentĂ©e  « lorsquâelle portait certains vĂȘtements ou dans toute situation du genre. Jâaurais tout simplement dit quâelle paraissait bien le jour en question ou quâelle Ă©tait ravissante, ou quelque chose du genre. » [135]   Le juge de paix Massiah a reconnu quâil avait fait le commentaire en question, mais que ce commentaire se voulait un compliment et que EE lui avait rĂ©pondu :  « Merci, Votre Honneur, jâai deux enfants. » [136]   Le juge de paix Massiah nâa pas observĂ© de gĂȘne chez EE aprĂšs quâil lui eut fait le commentaire en cause.DeuxiĂšme allĂ©gation de EE, paragraphe 12 de lâannexe A
[137]   En dâautres occasions au palais de justice, le juge de paix Massiah a dit les choses suivantes Ă EE :  « HĂ©, jeune femme, vous paraissez vraiment bien. »  « HĂ©, jeune femme, vous avez fiĂšre allure aujourdâhui. » Et  « Ma foi, mĂȘme enceinte, vous ĂȘtes toujours aussi belle. »DĂ©position de EE en date du 28 septembre 2011
[138]   EE a dĂ©clarĂ© que lorsquâelle portait son dernier enfant, le juge de paix Massiah lui avait dit quelque chose du genre :  « Vous ĂȘtes si avancĂ©e dans votre grossesse et pourtant vous ĂȘtes encore si belle. » [139]   Cette remarque a mis EE mal Ă lâaise. [140]   Elle a indiquĂ© quâelle nâavait pas signalĂ© cet incident parce quâ « [elle] avait peur. Je ne voulais juste pas… il occupe un rang supĂ©rieur. Il est juge de paix. Je ne pouvais pas… je ne savais vraiment pas quoi faire, et je nâai donc tout simplement rien dit. »DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[141]   Le juge de paix Massiah nâa pas parlĂ© de ces remarques lors de sa dĂ©position, sauf de façon trĂšs gĂ©nĂ©rale lors de lâĂ©change suivant :Q. Et lâavez-vous dĂ©jĂ complimentĂ©e?
R. Oui.
Q. En quels termes?
R. Ah, tout simplement en lui disant que, ah, que, ah, quâelle Ă©tait… si elle portait des vĂȘtements spĂ©ciaux ou quelque chose du genre, je lui disais quâelle paraissait bien ce jour-lĂ ou quâelle Ă©tait, ah, charmante ou un compliment du genre. Je ne me souviens pas prĂ©cisĂ©ment des mots que…
PremiĂšre allĂ©gation de FF, paragraphe 13 de lâannexe A
[142]   Un jour en 2008, FF travaillait comme greffiĂšre dans la salle dâaudience du juge de paix Massiah. Lorsquâelle est allĂ©e dans le bureau du juge de paix Massiah, celui-ci lui a demandĂ© :  « Quâest-ce que les greffiĂšres portent sous leur toge? » et il a ajoutĂ© :  « Je peux trĂšs bien imaginer une greffiĂšre qui ne porterait rien sous sa toge. »DĂ©position de FF en date du 28 septembre 2011
[143]   FF a dĂ©clarĂ© quâelle travaillait comme greffiĂšre en 2008 et quâelle se trouvait Ă lâextĂ©rieur des salles dâaudience aux cĂŽtĂ©s du juge de paix Massiah lorsque celui-ci lui a posĂ© une question du genre de celle-ci :  « Que portez-vous sous votre toge? » [144]   FF ne pouvait se souvenir du contexte exact ou de sa rĂ©action, mais elle a affirmĂ© que le juge de paix Massiah lui avait aussi dit :  « Je crois que vous les jeunes femmes, vous ne devriez rien porter sous votre toge. Je peux vous imaginer avec rien sous votre toge. » [145]   Cet Ă©change a mis FF mal Ă lâaise, mais elle nâa pas signalĂ© lâincident Ă©tant donnĂ© que le juge de paix Massiah Ă©tait une personne en position dâautoritĂ©.DĂ©position du juge de paix Massiah en date du 30 septembre 2011
[146]   Le juge de paix Massiah se souvient dâune discussion animĂ©e entre des membres du personnel au sujet de la question de la toge. Il se souvient aussi dâune conversation dâordre gĂ©nĂ©ral au sujet de ce que les gens portaient sous leur toge et dâavoir entendu FF Ă©noncer ses prĂ©fĂ©rences. Puis il a dit :  « Disons que je ne peux concevoir ce changement… dans la mesure oĂč je ne peux voir comment on pourrait modifier le code vestimentaire de maniĂšre Ă rendre possible ce dont elle parlait. » [147]   Le juge de paix Massiah nâa remarquĂ© aucun embarras chez FF.DeuxiĂšme allĂ©gation de FF, paragraphe 14 de lâannexe A
 [148]  Quelques mois plus tard, FF se trouvait avec le juge de paix Massiah Ă lâextĂ©rieur dâune salle dâaudience lorsquâil lui a dit :  « Vous, mesdames, vous ĂȘtes toujours trĂšs bien mises. » FF lui a rĂ©pondu que sâil lui revenait de dĂ©cider, elle prĂ©fĂšrerait porter un chandail et un t-shirt parce que cela serait plus confortable. Le juge lui a alors dit :  « Je peux vous imaginer en train de vous changer. » Il a ensuite fait une pause, comme sâil se la reprĂ©sentait dans son esprit en train de se changer. Puis il a ajoutĂ© :  « Attendez une seconde… hum, dâaccord, je suis prĂȘt Ă entrer dans la salle maintenant. »
DĂ©position de FF en date du 30 septembre 2011
[149]   FF croit que ces commentaires ont Ă©tĂ© faits aprĂšs ceux visĂ©s par lâallĂ©gation prĂ©cĂ©dente, mais elle ne peut lâaffirmer avec certitude. [150]   à cette occasion, FF a affirmĂ© que le juge de paix Massiah avait fait le commentaire suivant :  « Vous, mesdames, vous ĂȘtes toujours trĂšs bien mises. » [151]   FF lui avait rĂ©torquĂ© que sâil nâen tenait quâĂ elle, elle porterait des pantalons en coton ouatĂ© et un t-shirt. [152]   Le juge de paix Massiah lui aurait supposĂ©ment alors dit :  « Hum. Attendez une seconde… Je suis en train de mâimaginer quelque chose. Dâaccord, je suis prĂȘt Ă entrer dans la salle maintenant. » [153]   FF a alors dĂ©duit quâil lâimaginait en train de se changer. [154]   Elle a ensuite dĂ©clarĂ© quâelle ne se souvenait pas si le juge de paix Massiah avait utilisĂ© lâexpression « se changer ». Ce doute est rĂ©vĂ©lĂ© par lâĂ©change suivant :Q. TrĂšs bien. Donc, a-t-il parlĂ© de vous, de vous en train de vous changer?
R. Pour ĂȘtre honnĂȘte, câest ce que jâai compris. Je ne peux me souvenir si ce sont les mots exacts quâil a employĂ©s, mais il avait dit quelque chose du genre quâil mâimaginait en train de me changer ou quâil mâimaginait, excusez-moi, jâessaie de me souvenir le mieux que je peux.
R. Je ne peux me souvenir sâil a utilisĂ© lâexpression « se changer », mais je me souviens quâil a dit quelque chose du genre quâil imaginait quelque chose ou quâil mâimaginait en train de me changer. Câest ce que jâai compris.
[155]   FF a niĂ© que les commentaires du juge de paix Massiah se rapportaient de quelque façon que ce soit Ă la nouvelle politique concernant le port de la toge, ou que la conversation portait sur la tempĂ©rature quâil faisait dans les salles du tribunal. [156]   FF a indiquĂ© que le juge de paix Massiah ne lui avait jamais proposĂ© de la rencontrer Ă lâextĂ©rieur du tribunal et quâil ne lâavait jamais touchĂ©e. [157]   Elle a dĂ©crit le juge de paix Massiah comme une personne passablement joyeuse et sociable qui essayait de faire des blagues.DĂ©position du juge de paix Massiah
[158]   Le juge de paix Massiah a dĂ©clarĂ© quâil ne savait absolument pas pourquoi FF lui attribuait ces paroles.ĂlĂ©ment de preuve supplĂ©mentaire dĂ©posĂ© par le juge de paix Massiah et qui ne se rapporte Ă aucune allĂ©gation en particulier dâun point de vue factuel
[159]   Le juge de paix Massiah a dĂ©posĂ© un curriculum vitae dans le cadre de son tĂ©moignage Ă lâaudience. Ce document fournit beaucoup dâinformation sur ses antĂ©cĂ©dents. Il est particuliĂšrement utile de noter que le juge de paix Massiah semble possĂ©der beaucoup plus de connaissances quâon le croirait au sujet de ce qui est appropriĂ© ou pas en milieu de travail en raison du fait quâil a ĆuvrĂ© auprĂšs des Commissions canadienne et ontarienne des droits de la personne avant dâĂȘtre nommĂ© juge de paix. [160]   Le juge de paix Massiah sâest montrĂ© dâaccord avec M. Hunt, lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, lorsquâil a laissĂ© entendre que le harcĂšlement est un comportement qui est dĂ©gradant, humiliant ou embarrassant pour sa victime, lorsquâon aurait dĂ» savoir, dâun point de vue raisonnable, que cela Ă©tait importun. [161]   Le juge de paix Massiah a continuellement dĂ©signĂ© les employĂ©s du tribunal comme Ă©tant les membres de son Ă©quipe. [162]   Il a longuement dĂ©battu du fait quâil ne considĂ©rait pas son poste de juge de paix comme un poste dâautoritĂ©. De plus, il a avancĂ© que tous les intervenants prĂ©sents dans la salle dâaudience jouissaient de la mĂȘme autoritĂ©. Il ne se voyait pas comme  « le patron ». [163]   Le juge de paix Massiah sâest dit consternĂ© par le fait quâil nây avait pas de politique Ă©crite ou que le personnel ne savait pas comment il devait rĂ©agir Ă une inconduite prĂ©sumĂ©e de la part dâun juge de paix. [164]   Le juge de paix Massiah sâest montrĂ© dâaccord avec M. Hunt, lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, lorsque celui-ci a affirmĂ© quâil nâĂ©tait pas convenable de commenter lâapparence des gens. Mais il a rapidement ajoutĂ© ce qui suit :  « Je dirais que complimenter quelquâun ou le saluer en guise dâapprĂ©ciation, je crois que cela est Ă©galement correct, monsieur. Il y a une piĂšce dĂ©jĂ soumise oĂč vous infĂ©rez… Toute personne doit… il lui incombe de dire Ă la personne qui lui a fait les commentaires que ces derniers la gĂȘnent, quâelle ne les apprĂ©cie pas ou quâelle souhaiterait que vous vous absteniez de lui faire de tels commentaires. » [165]   Comment ces allĂ©gations sont-elles devenues publiques? LâĂ©change qui suit visait Ă prĂ©ciser la position du juge Ă ce sujet :Q. Mais dois-je comprendre quâĂ votre avis, ces femmes Ă©taient motivĂ©es ou mues par un certain prĂ©jugĂ© et un manque de tolĂ©rance envers vous, et par la façon dont vous avez communiquĂ© pour exposer ces histoires et ces allĂ©gations qui, selon vous, sont sans fondement?
R. Monsieur. Je… je nâhĂ©siterais pas… ah, je ne voudrais pas parler de ce qui les motivait, Ă part le fait que je peux vous dire, monsieur, tel que rĂ©vĂ©lĂ© par votre propre preuve, quâelles agissaient collectivement. Elles se parlaient entre elles. Relativement Ă ce qui est devenu un point de vue collectif et au moment oĂč cela sâest produit, sur la foi de lâinformation qui Ă©tait rapportĂ©e, en ce qui concerne qui a dit quoi, qui Ă©tait la meneuse de quel groupe, qui a peut-ĂȘtre influencĂ© nĂ©gativement ces femmes, qui a parti le bal, je ne sais pas, monsieur.
DĂ©position de tĂ©moins citĂ©s Ă comparaĂźtre par lâavocat pour le compte du juge de paix Massiah
[166]   M. Bhattacharya a citĂ© plusieurs tĂ©moins qui, selon lui, sont des tĂ©moins de moralitĂ© potentiels. [167]   Les tĂ©moins de moralitĂ© sont citĂ©s pour faire une dĂ©position au sujet de la rĂ©putation gĂ©nĂ©rale dâune personne dans la communautĂ© aux plans de lâhonnĂȘtetĂ© et de lâintĂ©gritĂ©. Bon nombre de personnes citĂ©es Ă ce titre ne semblent pas bien comprendre leur rĂŽle. Les tĂ©moins de moralitĂ© ont tendance Ă parler du lien quâils avaient avec la personne en cause dans leur vie. Ă lâaudience, les tĂ©moins de moralitĂ© ont su mettre en relief de maniĂšre intĂ©ressante les nombreux traits de caractĂšre positifs du juge de paix Massiah, mais la question de la rĂ©putation quâil a en gĂ©nĂ©ral dans la communautĂ© en ce qui concerne son honnĂȘtetĂ© et son intĂ©gritĂ© nâa pas Ă©tĂ© particuliĂšrement bien traitĂ©e. [168]   Voici certains des commentaires prĂ©cis recueillis au sujet de sa rĂ©putation gĂ©nĂ©rale au sein de la communautĂ© en ce qui concerne son honnĂȘtetĂ© et son intĂ©gritĂ© :- Je lâai trouvĂ© trĂšs professionnel et je ne lâai jamais vu se comporter dâune façon qui pourrait mâamener Ă penser autrement.
- Jâaimerais dire quâil est une personne intĂšgre et, je crois, quelquâun de respectĂ©.
- Il est sociable et gentil.
- Je nâai jamais eu de problĂšmes avec lui. Nous avons une relation professionnelle.
- Je souscris Ă cette affirmation [le juge est honnĂȘte et intĂšgre].
- Je crois, si je me fie Ă ce que jâai vu et Ă mes interactions, quâil est un juge de paix sociable, professionnel, ouvert et trĂšs facile dâapproche. Il a fait preuve de souplesse et il a Ă©tĂ© accommodant pour les problĂšmes de tout genre que nous avions, peu importe sâil sâagissait de lâhoraire ou des diverses activitĂ©s qui avaient lieu dans le bureau du tribunal, il nous a accommodĂ©s.
- Câest quelquâun de bien connu et de fait, beaucoup de gens dans la communautĂ© Ă©taient trĂšs contents et trĂšs fiers lorsquâil a Ă©tĂ© nommĂ© juge de paix. Il avait travaillĂ© pour de nombreux organismes, ils le connaissaient et je pense donc quâils le voyaient comme un homme intĂšgre et fiable, comme quelquâun dont ils pouvaient ĂȘtre trĂšs fiers.
- Je lui fais totalement confiance. Je le connais et je le respecte Ă©normĂ©ment, et je crois quâil est un homme trĂšs intĂšgre.
LE DROIT
Le rĂŽle de lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation
[170]   Aux termes de lâarticle 4 du Code de procĂ©dure pour les audiences sâappliquant aux juges de paix, qui a Ă©tĂ© Ă©tabli en vertu de lâarticle 10 de la Loi sur les juges de paix, L.R.O. 1990, chap. J.4, telle que modifiĂ©e (la « Loi »), le devoir de lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation, lorsquâil se trouve devant le comitĂ© dâaudition, nâest pas  « dâessayer dâobtenir une dĂ©cision particuliĂšre Ă lâencontre dâun intimĂ©, mais de veiller Ă ce que la plainte portĂ©e contre le juge de paix soit Ă©valuĂ©e de façon rationnelle et objective afin de parvenir Ă une dĂ©cision juste. »Le rĂŽle du comitĂ© dâaudition
[171]   Le comitĂ© dâaudition doit dĂ©terminer si les Ă©lĂ©ments de preuve prĂ©sentĂ©s Ă lâaudience mĂšnent ou non Ă un constat dâinconduite judiciaire de maniĂšre Ă dĂ©terminer sâil faut prendre une ou plusieurs des mesures prĂ©vues au paragraphe 11.1(10) de le la Loi sur les juges de paix dans le but de rĂ©tablir la confiance du public envers la magistrature.La norme de preuve
[172]   Dans F.H. c. McDougall [2008] 3 RCS 41, la Cour suprĂȘme du Canada dĂ©finit la norme de preuve Ă appliquer, comme suit : [45] Laisser entendre que lorsquâune allĂ©gation formulĂ©e dans une affaire civile est grave, la preuve offerte doit ĂȘtre examinĂ©e plus attentivement suppose que lâexamen peut ĂȘtre moins rigoureux dans le cas dâune allĂ©gation moins grave. Je crois quâil est erronĂ© de dire que notre rĂ©gime juridique admet diffĂ©rents degrĂ©s dâexamen de la preuve selon la gravitĂ© de lâaffaire. Il nâexiste quâune seule rĂšgle de droit : le juge du procĂšs doit examiner la preuve attentivement. [Le gras est de nous.] [46] De mĂȘme, la preuve doit toujours ĂȘtre claire et convaincante pour satisfaire au critĂšre de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. Mais, je le rĂ©pĂšte, aucune norme objective ne permet de dĂ©terminer quâelle lâest suffisamment. Dans le cas dâune allĂ©gation grave comme celle considĂ©rĂ©e en lâespĂšce, le juge peut ĂȘtre appelĂ© Ă apprĂ©cier la preuve de faits qui se seraient produits de nombreuses annĂ©es auparavant, une preuve constituĂ©e essentiellement des tĂ©moignages du demandeur et du dĂ©fendeur. Aussi difficile que puisse ĂȘtre sa tĂąche, le juge doit trancher. Lorsquâun juge consciencieux ajoute foi Ă la thĂšse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve Ă©tait Ă ses yeux suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critĂšre de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. [173]   Lâaffaire McDougall invalide lâapproche que lâon avait invoquĂ©e dans certaines dĂ©cisions, y compris des cas dâinconduite professionnelle, relativement Ă la norme de preuve qui devait ĂȘtre appliquĂ©e. Lord Denning avait instituĂ© le critĂšre de  « la norme changeante » dans Bater v. Bater [1950] 2 All E.R. 458 (C.A.), en vertu duquel la norme de preuve civile (soit la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s) sâappliquait Ă des degrĂ©s variant  « selon le cas jugĂ© ». En dâautres mots, plus lâallĂ©gation Ă©tait grave, plus il faudrait passer de la norme de preuve civile traditionnelle de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s Ă une norme se rapprochant de la norme de preuve criminelle, qui veut que lâon doit croire Ă la thĂšse en cause hors de tout doute raisonnable. [174]   Dans la dĂ©cision relative Ă lâaffaire dâune audience tenue en ce qui concerne la conduite du juge de paix Paul A. Welsh (2009) C.E.J.P., le juge Wake applique les conclusions de lâarrĂȘt McDougall. [175]   M. Bhattacharya dĂ©clare ce qui suit dans ses observations verbales :  « Je crois que la Cour suprĂȘme du Canada a rendu le bon verdict [en ce qui a trait Ă lâaffaire McDougall,], MAIS (âŠ) » [176]   Dans ses observations verbales et Ă©crites, lâavocat note que dans le Rapport de lâenquĂȘte judiciaire menĂ©e sur le juge de paix Vernon A. Chang Alloy, datĂ© du 9 novembre 2009, le commissaire William A. Gorewich observe ce qui suit :« Dans ces affaires, la norme de preuve nâest pas aussi rigoureuse que celle qui est requise dans les instances criminelles (oĂč il est impĂ©ratif de fournir une preuve au-delĂ de tout doute raisonnable), mais elle exige tout de mĂȘme plus quâune simple probabilitĂ©. Dans ce type dâaudiences, oĂč de graves allĂ©gations sont portĂ©es qui peuvent mener Ă la destitution du juge de paix incriminĂ©, la preuve Ă lâappui des allĂ©gations « doit ĂȘtre claire et convaincante et fondĂ©e sur des Ă©lĂ©ments de preuve forts acceptĂ©s par le tribunal » (traduction), cette norme est Ă©noncĂ©e dans lâarrĂȘt Bernstein and College of Physicians and Surgeons of Ontario (1977), 15 O.R. (2d) 447 au par. 485 (C. div. Ont.). »
[177]   Un examen du rapport concernant Vernon A. Chang Alloy ne permet pas dâĂ©tablir que la dĂ©cision McDougall avait Ă©tĂ© portĂ©e Ă lâattention du commissaire Gorewich pour quâil en prenne connaissance. [178]   M. Bhattacharya semble ĂȘtre peu convaincu de lâorientation fournie par la Cour suprĂȘme aux paragraphes 44 et 45 de lâarrĂȘt McDougall. [179]   Le comitĂ© ne considĂšre pas que lâarrĂȘt McDougall constitue une « opinion conditionnelle » de la Cour suprĂȘme du Canada.Lâinconduite judiciaire au sens de la Loi
[180]   Le paragraphe 11.1(10) de la Loi prĂ©voit que lâensemble de mesures qui y sont proposĂ©es peuvent ĂȘtre prises si le comitĂ© dâaudition « donne droit Ă la plainte » Bien que lâarticle 11.1 de la Loi ne traite pas expressĂ©ment dâ « inconduite » de la part dâun juge de paix, le paragraphe 11.1(10) est pour lâessentiel semblable au paragraphe 51.6(11) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990 chap. C43, soit la loi sâappliquant aux procĂ©dures dâexamen de plaintes visant des juges de la Cour de justice de lâOntario. Le paragraphe 51.6(11) prĂ©voit ce qui suit : « Une fois quâil a terminĂ© lâaudience, le Conseil de la magistrature peut[,] (…) sâil conclut quâil y a eu inconduite de la part du juge, [imposer un ensemble de mesures identiques Ă celles prĂ©vues au paragraphe 11.1(10) de la Loi.] » [181]   Compte tenu de la similitude entre les dispositions lĂ©gales de la Loi sur les juges de paix et de la Loi sur les tribunaux judiciaires, il est Ă©vident que lâesprit du rĂ©gime lĂ©gislatif veut que les plaintes visant des juges de paix soient examinĂ©es au vu de la question de savoir sâil y a eu inconduite judiciaire et que le cas Ă©chĂ©ant, lâapplication des mesures Ă©noncĂ©es au paragraphe 11.1(10) devrait ĂȘtre envisagĂ©e en vertu des mĂȘmes dispositions que celles applicables aux juges de tribunaux provinciaux. [182]   Dans la dĂ©cision relative Ă lâaffaire concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky (2011) C.EJ.P., lâhonorable juge principale rĂ©gionale Kathryn Hawke cautionne la vision susdĂ©crite du rĂ©gime lĂ©gislatif lorsquâelle dĂ©clare ce qui suit au paragraphe 6 :Ni ce paragraphe ni la Loi ne donnent de prĂ©cisions sur lâexpression « donne droit Ă la plainte » qui figure dans le paragraphe citĂ©. Dans lâarrĂȘt Welsh (2009), une dĂ©cision du Conseil dâĂ©valuation des juges de paix, le comitĂ© dâaudition a analysĂ© le sens de cette expression. Nous sommes dâaccord avec les commentaires de ce comitĂ© qui dĂ©clare au paragraphe 30 :
Les expressions « inconduite judiciaire » et « donner droit Ă une plainte » ne sont pas dĂ©finies dans la Loi. Cependant, nous acceptons lâargument de lâavocat prĂ©sentant la cause selon lequel les dĂ©cisions du Conseil canadien de la magistrature et du Conseil de la magistrature de lâOntario â quant Ă savoir si un juge a fait preuve dâinconduite judiciaire â sâappliquent au critĂšre que nous devons utiliser pour dĂ©cider sâil y a lieu de « donner droit » Ă une plainte (conformĂ©ment au par. 11.1(10) de la Loi) et, dans lâaffirmative, sâil y a lieu dâappliquer une ou plusieurs des mesures Ă©noncĂ©es dans ce paragraphe, lesquelles sont identiques aux mesures que peut prendre le Conseil de la magistrature de lâOntario aux termes du paragraphe 51.6 (11) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, chap. C. 43 (la « LTJ »). (Traduction)
[183]   La confiance quâinspire au public le systĂšme judiciaire est un principe fondamental dans le contexte de lâexamen dâun problĂšme dâinconduite judiciaire. Lâimportance de la confiance du public est une question traitĂ©e par la Cour suprĂȘme du Canada dans Therrien (Re), [2001] 2 RCS 3 (C.S.C.) aux paragraphes 108 Ă 112; et par la Cour dâappel du QuĂ©bec dans Ruffo (Re), [2005] J.Q. no 17953. [184]   Dans Therrien (Re), le juge Gonthier dĂ©clare ce qui suit au paragraphe 110 :En ce sens, les qualitĂ©s personnelles, la conduite et lâimage que le juge projette sont tributaires de celles de lâensemble du systĂšme judiciaire et, par le fait mĂȘme, de la confiance que le public place en celui-ci. Le maintien de cette confiance du public en son systĂšme de justice est garant de son efficacitĂ© et de son bon fonctionnement. Bien plus, la confiance du public assure le bien?ĂȘtre gĂ©nĂ©ral et la paix sociale en maintenant un Ătat de droit. Dans un ouvrage destinĂ© Ă ses membres, le Conseil canadien de la magistrature explique :
La confiance et le respect que le public porte Ă la magistrature sont essentiels Ă lâefficacitĂ© de notre systĂšme de justice et, ultimement, Ă lâexistence dâune dĂ©mocratie fondĂ©e sur la primautĂ© du droit. De nombreux facteurs peuvent Ă©branler la confiance et le respect du public Ă lâĂ©gard de la magistrature, notamment : des critiques injustifiĂ©es ou malavisĂ©es; de simples malentendus sur le rĂŽle de la magistrature; ou encore toute conduite de juges, en cour ou hors cour, dĂ©montrant un manque dâintĂ©gritĂ©. Par consĂ©quent, les juges doivent sâefforcer dâavoir une conduite qui leur mĂ©rite le respect du public et ils doivent cultiver une image dâintĂ©gritĂ©, dâimpartialitĂ© et de bon jugement.
(Conseil canadien de la magistrature, Principes de déontologie judiciaire (1998), p. 14)
[185]   Les motifs prĂ©sentĂ©s par le comitĂ© dâaudition Ă lâappui de la dĂ©cision relative Ă lâaffaire dâune plainte portĂ©e contre M. le juge Norman Douglas, (2006) C.M.O., sont instructifs au regard du sens de lâexpression « inconduite judiciaire ». Les passages suivants de cette dĂ©cision sont particuliĂšrement Ă©clairants Ă cet Ă©gard :[5] Vu la portĂ©e trĂšs large du paragraphe 51.6 (11) dans lâaffaire Re : Baldwin (2002), un comitĂ© dâexamen du Conseil sâest penchĂ© sur le sens Ă donner au terme « inconduite judiciaire ». Pour ce faire, le comitĂ© sâest principalement fondĂ© sur deux arrĂȘts de la Cour suprĂȘme du Canada qui font autoritĂ© : Therrien c. Ministre de la Justice [2001] 2 R.C.S. 3 et Moreau-BĂ©rubĂ© c. Nouveau?Brunswick (Conseil de la magistrature) [2002] 1 R.C.S. 249. Le Conseil sâest exprimĂ© dans les termes suivants :
[âŠ]
Paraphrasant le test prĂ©vu par la Cour suprĂȘme dans Therrien et Moreau-BĂ©rubĂ©, il sâagit, en rapport avec le paragraphe 51.6 (11), de dĂ©terminer si la conduite reprochĂ©e est si gravement contraire Ă l’impartialitĂ©, Ă l’intĂ©gritĂ© et Ă l’indĂ©pendance de la magistrature qu’elle a minĂ© la confiance du public dans la capacitĂ© du juge d’accomplir les fonctions de sa charge ou l’administration de la justice de maniĂšre gĂ©nĂ©rale et qu’il est nĂ©cessaire au Conseil de la magistrature de prendre l’une des mesures prĂ©vues Ă ce paragraphe pour rĂ©tablir cette confiance.
Ce n’est que lorsque la conduite faisant l’objet de la plainte dĂ©passe ce seuil qu’il faut envisager l’application des mesures prĂ©vues au paragraphe 51.6 (11). Une fois que le Conseil a dĂ©terminĂ© qu’il faut appliquer l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe 51.6 (11), il doit d’abord examiner la mesure la moins grave â un avertissement â, pour, le cas Ă©chĂ©ant, passer Ă la mesure suivante dans un ordre de gravitĂ© croissante â une recommandation de destitution â, et ordonner uniquement ce qui est nĂ©cessaire pour rĂ©tablir la confiance du public dans le juge et l’administration de la justice de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.
[9] Par consĂ©quent, les juges doivent agir de façon impartiale et indĂ©pendante et en prĂ©senter lâapparence. Ils doivent ĂȘtre dotĂ©s dâintĂ©gritĂ© personnelle ou le sembler. Si un juge se conduit dâune maniĂšre affichant un manque de lâun ou lâautre de ces attributs, il sera susceptible de se faire reprocher une inconduite judiciaire.
[10] Pour conclure Ă lâexistence dâune inconduite, le Conseil doit ĂȘtre convaincu que la preuve rĂ©pond Ă la norme de preuve nĂ©cessaire pour dĂ©montrer quâil y a effectivement inconduite judiciaire. Dans lâaffaire Re : Evans, le comitĂ© dâexamen du Conseil a passĂ© en revue les textes faisant autoritĂ© et adoptĂ© lâexigence selon laquelle un constat dâinconduite professionnelle exige une preuve forte et incontestable, fondĂ©e sur des Ă©lĂ©ments convaincants.
[186]   Le mandat dâun comitĂ© dâaudition a Ă©tĂ© dĂ©crit dans Ruffo c. Conseil de la magistrature, [1995] 4 RCS 267 (C.S.C.) au paragraphe 68, comme suit :Le ComitĂ© a donc pour mission de veiller au respect de la dĂ©ontologie judiciaire pour assurer l’intĂ©gritĂ© du pouvoir judiciaire. La fonction qu’il exerce est rĂ©paratrice, et ce Ă l’endroit de la magistrature, non pas du juge visĂ© par une sanction.
[187]   Le critĂšre relatif Ă une inconduite judiciaire, tel que citĂ© dans les affaires susmentionnĂ©es, a Ă©tĂ© appliquĂ© aux fins dâaudiences qui impliquaient des juges de paix dans la province de lâOntario. (Voir la dĂ©cision relative Ă lâaffaire dâune audience tenue en ce qui concerne la conduite du juge de paix Paul A. Welsh (2009) C.E.J.P., au paragraphe 7.) [188]   Dans Therrien (Re), supra, sous le titre « Le rĂŽle du juge : « une place Ă part », au paragraphe 111, le juge Gonthier dĂ©crit ainsi le rĂŽle de ceux qui remplissent des fonctions judiciaires :« La population exigera donc de celui qui exerce une fonction judiciaire une conduite quasi irrĂ©prochable. à tout le moins exigera-t-on quâil paraisse avoir un tel comportement. Il devra ĂȘtre et donner lâapparence dâĂȘtre un exemple dâimpartialitĂ©, dâindĂ©pendance et dâintĂ©gritĂ©. Les exigences Ă son endroit se situent Ă un niveau bien supĂ©rieur Ă celui de ses concitoyens. »
Principes régissant les fonctions judiciaires des juges de paix
[189]   Le Conseil dâĂ©valuation des juges de paix a approuvĂ© les Principes rĂ©gissant les fonctions judiciaires des juges de paix le 7 dĂ©cembre 2007. On peut lire ce qui suit dans le prĂ©ambule de ces principes :« Les juges de paix de la Cour de justice de l’Ontario reconnaissent leur responsabilitĂ© d’Ă©tablir, de maintenir et de promouvoir des normes Ă©levĂ©es en matiĂšre de conduite personnelle et professionnelle et d’en assurer le respect, de façon Ă prĂ©server l’indĂ©pendance et l’intĂ©gritĂ© de leurs fonctions judiciaires et Ă maintenir la confiance de la sociĂ©tĂ© envers les hommes et les femmes qui ont acceptĂ© les responsabilitĂ©s qui relĂšvent des fonctions judiciaires. »
[190]   Lâarticle 3.1 des Principes prĂ©voit ce qui suit : « Les juges de paix doivent afficher une conduite personnelle qui assurera la confiance du public. » [191]   La publication du Conseil canadien de la magistrature intitulĂ©e Principes de dĂ©ontologie judiciaire, numĂ©ro de catalogue JU11-4/2004F-PDF, ISBN 0-662-38118-1, est utile pour examiner la question de lâintĂ©gritĂ© dans le contexte judiciaire. Ă la rubrique « IntĂ©gritĂ© » de ce document, on peut lire ce qui suit :« Les juges doivent sâappliquer Ă avoir une conduite intĂšgre, qui soit susceptible de promouvoir la confiance du public en la magistrature. »
[192]   Puis le principe 1 veut que:« Les juges dĂ©ploient tous les efforts possibles pour que leur conduite soit sans reproche aux yeux dâune personne raisonnable, impartiale et bien informĂ©e. »
[193]   Le commentaire 2 met en relief le fait quâil est difficile de dĂ©finir la notion dâintĂ©gritĂ©  avec exactitude, et il se lit comme suit :« Bien quâil soit facile dâĂ©noncer un idĂ©al dâintĂ©gritĂ© en termes gĂ©nĂ©raux, il est beaucoup plus difficile et peut-ĂȘtre malavisĂ© de le prĂ©ciser davantage.
Il y a peu de principes absolus puisque la façon dont une conduite donnée sera perçue dans une communauté dépend de ses valeurs collectives, et que celles-ci varient selon les lieux et les époques. »
[194]   Le paragraphe 99 du Rapport du Conseil canadien de la magistrature au ministre de la Justice en ce qui concerne lâexamen de la conduite de lâhonorable Theodore Matlow de laCour supĂ©rieure de justice, traite de lâutilitĂ© quâont les principes dĂ©ontologiques pour Ă©valuer la conduite dâun juge :
«  (…) Bien que les Principes de dĂ©ontologie ne constituent pas un absolu et que leur violation nâamĂšnera pas automatiquement le CCM Ă sâinquiĂ©ter, et encore moins Ă recommander une destitution, ces principes permettent dâĂ©tablir un ensemble gĂ©nĂ©ral de valeurs et de considĂ©rations qui seront nĂ©cessairement pertinents aux fins de lâĂ©valuation dâallĂ©gations de conduite inappropriĂ©e visant un juge. Par consĂ©quent, comme une conduite contestĂ©e nâest pas en accord avec les Principes de dĂ©ontologie, ou y contrevient, cela constitue un facteur important pour dĂ©terminer si un juge satisfait la norme objective dâimpartialitĂ© et dâintĂ©gritĂ© quâil doit observer, et si la conduite contestĂ©e rĂ©pond au critĂšre objectif justifiant une destitution.
Pour ces motifs, nous avons conclu que le ComitĂ© dâenquĂȘte Ă©tait habilitĂ© Ă tenir compte des Principes de dĂ©ontologie lorsquâil a dĂ©terminĂ© si la conduite reprochĂ©e Ă©tait une conduite pouvant donner lieu Ă une sanction. »
[195]   Les juges de paix sont des officiers de justice. Ils sont donc assujettis aux mĂȘmes normes de conduite que les juges. La jurisprudence ne semble pas faire de distinction Ă cet Ă©gard. [196]   Dans le Rapport dâenquĂȘte judiciaire concernant le juge de paix Rick C. Romain (2003), le juge Russell J. Otter dĂ©clare ce qui suit Ă la page 25 :Ătant donnĂ© le rĂŽle trĂšs important du juge de paix Ă la porte de notre systĂšme judiciaire, je suis dâavis quâil nây a aucune raison pour laquelle un juge de paix ne devrait pas ĂȘtre astreint Ă la mĂȘme norme de conduite Ă©levĂ©e que tous les autres magistrats.
Conduite prĂ©sumĂ©e : lâavis dâaudience (annexe A)
[197]   La conduite supposément affichée par le juge de paix Massiah comporte des paroles et des attouchements.Le personnel du tribunal et la magistrature
[198]   Dans la dĂ©cision relative Ă lâaffaire concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky, le comitĂ© note ce qui suit au paragraphe 16 :[16] (…) le comitĂ© tient Ă prĂ©ciser ce qui suit Ă propos des employĂ©s des tribunaux. Ces personnes sont employĂ©es par la Division des services aux tribunaux du ministĂšre du Procureur gĂ©nĂ©ral et non directement par la Cour de justice de lâOntario. Ceci dit, les relations de travail entre le juge de paix qui prĂ©side et les employĂ©s du tribunal sont clairement Ă©tablies par la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, chap. C.43, par. 76 (2).
76.(1) Les greffiers, les sténographes judiciaires, les interprÚtes ainsi que les autres employés du tribunal obéissent aux directives du juge en chef du tribunal en ce qui concerne les questions que la loi réserve à la magistrature. 2006, chap. 21, annexe A, art. 14.
(2) Le personnel du tribunal visĂ© au paragraphe (1) qui est affectĂ© Ă une salle dâaudience et qui y est prĂ©sent se conforme aux directives du juge, du juge de paix, du protonotaire ou du protonotaire chargĂ© de la gestion des causes qui prĂ©side le tribunal lorsque celui-ci siĂšge. 2006, chap. 21, annexe A, art 14; 2009, chap. 33, annexe 2, par. 20 (16).
[199]   Le comitĂ© note Ă©galement ce qui suit au paragraphe 36 :[36] (…) mĂȘme si le personnel judiciaire nâest pas directement employĂ© par les tribunaux eux-mĂȘmes, il doit nĂ©anmoins se conformer aux directives du juge de paix qui prĂ©side. Pour prĂ©server lâintĂ©gritĂ© de la magistrature dans ce contexte, la norme de conduite professionnelle attendue dâun juge de paix devrait raisonnablement ĂȘtre la mĂȘme que celle que lâon attend dâun supĂ©rieur dans un cadre professionnel plus typique.
Commentaires et comportements inappropriés fondés sur le sexe de la personne
[200]   En 1996, la Commission ontarienne des droits de la personne a publiĂ© une Politique sur le harcĂšlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liĂ©es au sexe. On peut lire ce qui suit dans lâintroduction de cette politique :« Le droit d’ĂȘtre Ă l’abri du harcĂšlement sexuel et de tout autre traitement inĂ©gal sous forme de remarques et d’actions avilissantes fondĂ©es sur le sexe est donc un droit fondamental. »
[201]   Voici des exemples de ce que pourrait contenir une liste non exhaustive de choses pouvant constituer du harcĂšlement sexuel ou encore des remarques ou des conduites inconvenantes liĂ©es au sexe : (i) les remarques de nature sexuelle concernant lâapparence dâune personne ou ses maniĂšres; (ii) les attouchements non dĂ©sirĂ©s; (iii) les remarques suggestives ou offensantes ou encore les insinuations Ă lâĂ©gard des personnes de lâun ou de lâautre sexe; (vi) les regards concupiscents ou dĂ©placĂ©s; (ix) les plaisanteries ou remarques offensantes de nature sexuelle visant un employĂ©, un client ou un locataire; (xii) les questions ou discussions se rapportant Ă des activitĂ©s sexuelles; (xiii) le paternalisme basĂ© sur le sexe quâune personne ressent comme une atteinte Ă son respect de soi ou Ă sa position dâautoritĂ©. [202]   Au paragraphe 31 de la dĂ©cision Bannister v. General Motors de Canada Ltd., 40 O.R. (3d) 577. (C.A. Ont.), le juge Carthy de la Cour dâappel de lâOntario aborde comme suit la question de la responsabilitĂ© quâa une femme dâopposer une rĂ©sistance ou un rejet Ă des remarques inconvenantes dans le contexte de rapports de force inĂ©gaux au travail :« (…) Cela nâa rien Ă voir avec la force ou le courage des employĂ©s de sexe fĂ©minin, ou leur volontĂ© de se battre. Aucune femme ne devrait ĂȘtre mise dans lâobligation de dĂ©fendre sa dignitĂ© ou de rĂ©sister Ă des approches indĂ©sirables ou encore de tourner le dos Ă des remarques inconvenantes liĂ©es au sexe. Un supĂ©rieur qui cautionne ce genre de comportement ou y prend part commet un abus de pouvoir. »
[203]   Dans son argumentation Ă©crite, lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation fait allusion Ă plusieurs audiences tenues en Ontario et aux Ătats-Unis dâAmĂ©rique pour illustrer des constats dâinconduite judiciaire fondĂ©s sur des commentaires et des gestes inconvenants dâordre sexuel. Le comitĂ© a examinĂ© ces dĂ©cisions et observĂ© que la conduite mise en cause dans ces dĂ©cisions diffĂšre de celle rĂ©vĂ©lĂ©e par les conclusions de fait liĂ©es au prĂ©sent cas; par consĂ©quent, nous ne projetons pas de les commenter sauf pour faire ressortir un passage utile se retrouvant dans deux dâentre elles. (Voir les dĂ©cisions suivantes : Lâaffaire concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky (2011) C.EJ.P; Report of a Judicial Inquiry Re: His Worship Leonard P. Blackman, a Justice of the peace (1994); Report of a Judicial Inquiry Re: His Worship G. Lenard Obokata, a Justice of the peace (2003); In the Matter of Warren M. Doolittle, a Judge of the District Court Nassau (1985), State of New York Commission on Judicial Conduct; In the Matter of Marvin C. Buchanan, a Judge of the District Court and Municipal Court, (1983) State of Washington Supreme Court; In the Matter of Mark S. Deming, a Judge of District Court No.1, Pierce County, (1987) State of Washington Supreme Court; Inquiry Concerning Judge John B. Gibson, 48 Cal. 4th CJP Supp. 112 [2000] Commission on Judicial Performance; Inquiry Concerning Judge W. Jackson Willoughby, 48 Cal. 4th CJP Supp. 145 [juin 2000] Commission on Judicial Performance.) [204]   Le premiĂšre citation provient du paragraphe 11 de la dĂ©cision relative Ă lâaffaire concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky (2011) C.EJ.P., et il sâagit dâune conclusion Ă laquelle le comitĂ© est lui-mĂȘme arrivĂ© :[11] « Le commentaire dĂ©placĂ© de nature sexuelle Ă©tait trĂšs bref, huit mots en tout. Les deux parties sâentendent lĂ -dessus, et le comitĂ© est dâavis que le commentaire [nâa] pas Ă©tĂ© formulĂ© dans lâintention de blesser. Il sâagissait dâune tentative dâhumour maladroite de la part du juge de paix. Il avait employĂ© une expression Ă double sens pour formuler une demande innocente. Au contraire de la plupart des expressions Ă double sens, toutefois, le sens libertin de celle-ci Ă©tait trĂšs clair, mais son apparente innocence, bien quâelle ait pu ĂȘtre sâappliquer dans les circonstances, ne lâĂ©tait pas du tout. De plus, le caractĂšre libertin de lâexpression dĂ©passait lâindĂ©licatesse. Dans les circonstances, il Ă©tait insultant et dĂ©gradant. »
[205]   Dans la dĂ©cision intitulĂ©e In the Matter of Warren M. Doolittle, A Judge of the District Court Nassau (1985), State of New York Commission on Judicial Conduct, la Commission a dĂ©terminĂ© ce qui suit :« Le fait de cajoler une femme au sujet de son apparence ou de sa personnalitĂ© est maintenant perçu comme un traitement diffĂ©rentiel fondĂ© sur le sexe. La sociĂ©tĂ© actuelle est sensibilisĂ©e et Ă©clairĂ©e et elle en est venue Ă se rendre compte que ce genre de traitement est irrationnel et injuste, et les taquineries jadis tolĂ©rĂ©es sont maintenant jugĂ©es dĂ©gradantes et offensantes. Des commentaires tels que ceux attribuĂ©s Ă [lâ]intimĂ© ne sont plus considĂ©rĂ©s comme Ă©logieux ou amusants, particuliĂšrement dans un contexte professionnel. »
[206]   M. Bhattacharya a attirĂ© lâattention du comitĂ© sur plusieurs des dĂ©cisions citĂ©es par lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation et qui, selon ce dernier, mettent en relief ce quâil considĂšre comme une conduite plus grave que celle imputĂ©e au juge de paix Massiah. [207]   Le comitĂ© atteste que les conclusions de fait Ă©noncĂ©es dans le Report of the Judicial Council to the Minister In the Matter of Honourable Paul Cosgrove of the Ontario Superior Court of Justice, 30 mars 2009;  la dĂ©cision relative Ă lâaffaire concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky (2011) C.EJ.P.; Therrien (Re), [2001] 2 RCS 3 (C.S.C.); et Moreau-BĂ©rubĂ© c. Nouveau?Brunswick (Conseil de la magistrature) [2002] 1 R.C.S. 249 (C.S.C.) sont remarquablement diffĂ©rentes des faits citĂ©s Ă lâaudience. Ă lâĂ©vidence, chaque cause est tributaire des conclusions de fait sây rattachant. Le comitĂ© a trouvĂ© utile de sâappuyer sur ces prĂ©cĂ©dents lorsquâil a examinĂ© la question de savoir comment les principes Ă©noncĂ©s au sujet de lâinconduite judiciaire dans chacune des affaires ont Ă©tĂ© appliquĂ©s aux conclusions de fait par les divers organismes dâarbitrage Ă qui elles ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es. [208]   M. Bhattacharya a attirĂ© lâattention du comitĂ© sur la dĂ©cision relative Ă lâaffaire dâune plainte portĂ©e contre M. le juge Norman Douglas (2006) C.M.O., dans le but dâillustrer le principe voulant que mĂȘme lorsquâil y a des Ă©lĂ©ments de preuve clairs et probants, le comitĂ© doit ĂȘtre convaincu que ces Ă©lĂ©ments de preuve dĂ©montrent de maniĂšre concluante quâil y a eu inconduite judiciaire. Lors de lâaudience relative Ă lâaffaire Douglas, le comitĂ© en est arrivĂ© Ă la conclusion que la conduite du juge Douglas ne pouvait ĂȘtre assimilĂ©e Ă une inconduite judiciaire, mĂȘme si elle Ă©tait trĂšs discutable et quâelle tĂ©moignait dâun jugement extrĂȘmement dĂ©ficient.LES ASPECTS DU PROBLĂME DONT LE COMITĂ DOIT ĂTRE CONSCIENT LORSQUâIL ĂVALUE LES FAITS LIĂS Ă LA PLAINTE
Formation du personnel et connaissance des procédures de traitement des plaintes
[209]   M. Bhattacharya a parlĂ© du fait que les greffiĂšres nâavaient pas reçu de formation prĂ©cise sur la façon dâinteragir avec les juges. Plus particuliĂšrement, il a soulignĂ© quâon ne leur avait pas montrĂ© comment procĂ©der pour porter plainte contre un membre de la magistrature en cas de harcĂšlement en milieu de travail. [210]   Dans la mĂȘme optique, on a laissĂ© entendre que le personnel nâavait pas Ă©tĂ© initiĂ© aux protocoles de gestion des cas de harcĂšlement sexuel en milieu de travail en vertu de la lĂ©gislation ontarienne sur les droits de la personne. [211]   De plus, des prĂ©occupations ont Ă©tĂ© soulevĂ©es Ă lâeffet que certaines des plaintes soumises au comitĂ© sont peut-ĂȘtre assujetties Ă des dĂ©lais de prescription aux termes du rĂ©gime ontarien des droits de la personne. [212]   Le comitĂ© estime que les points susmentionnĂ©s nâont pas vraiment dâincidence sur lâobjet de lâaudience. Nous sommes dâaccord avec lâobservation de lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation voulant que les questions en cause ne sont pas jugĂ©es aux termes du Code des droits de la personne de lâOntario, L.R.O. 1990, chapitre H.19 (le « Code »), tel que modifiĂ©, mais plutĂŽt en vertu de la Loi sur les juges de paix dans la mesure oĂč celle-ci sâapplique Ă dâĂ©ventuelles inconduites judiciaires. La consultation de la Politique sur le harcĂšlement sexuel et les remarques et conduites inconvenantes liĂ©es au sexe de la Commission ontarienne des droits de la personne pourrait trĂšs bien aider le comitĂ© Ă dĂ©terminer ce qui constitue du harcĂšlement ou un comportement inappropriĂ© en milieu de travail, mais les recommandations que cette politique contient ne se rapportent quâau Code lui-mĂȘme. [213]   Le comitĂ© sâinspire, aux fins de ses dĂ©libĂ©rations, de la dĂ©finition figurant dans le Code relativement au terme « harcĂšlement » (Ă lâalinĂ©a 10(1)e), qui se lit comme suit : « Fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires lorsquâelle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns. » [214]   Il faut aussi noter quâen dĂ©pit du dĂ©lai de prescription dâun an prescrit Ă lâalinĂ©a 34(1)a) du Code des droits de la personne de lâOntario, tout tribunal constituĂ© en vertu de ce code peut, aux termes du paragraphe 34(2), examiner une requĂȘte prĂ©sentĂ©e aprĂšs lâexpiration de ce dĂ©lai sâil est convaincu que ce retard sâest produit de bonne foi et quâil ne causera aucun prĂ©judice important Ă personne. [215]   Plusieurs des plaignantes ont soutenu Ă lâaudience quâelles nâavaient pas signalĂ© les actes du juge de paix Massiah pour divers motifs, y compris parce quâelles pensaient que les gens ne prenaient pas la conduite du juge de paix Massiah au sĂ©rieux; quâelles nâavaient pas dâanciennetĂ© dans ce milieu de travail; quâon ne les croirait pas; et que la plainte aurait un cĂŽtĂ© embarrassant. [216]   Le comitĂ© nâest pas assujetti aux directives dâordre procĂ©dural Ă©noncĂ©es dans le Code des droits de la personne. Mais si tel Ă©tait le cas, nous aurions autorisĂ© lâexamen des plaintes en cause. Les raisons pour lesquelles les actes du juge ont Ă©tĂ© signalĂ©s en retard et le fait que ces allĂ©gations ne remontent pas Ă trĂšs longtemps, ne mettent pas le juge Massiah dans une position prĂ©judiciable. En fait, sa dĂ©position a dĂ©montrĂ© quâil Ă©tait bien au fait des Ă©vĂ©nements en cause.RĂ©action des plaignantes Ă la conduite du juge
[217]   M. Bhattacharya a attirĂ© lâattention du comitĂ© sur le fait que les plaignantes nâont pas du tout montrĂ© au juge de paix Massiah quâelle nâapprĂ©ciait pas son comportement et quâen fait, elles y ont souvent rĂ©agi avec dĂ©sinvolture ou enjouement. Comme le juge de paix Massiah nâa pas reçu de commentaire au sujet de sa conduite et que les employĂ©es ont continuĂ© de travailler avec lui et nâont pas demandĂ© de rĂ©affectation, cela donne Ă penser que le juge ne pouvait pas savoir que sa conduite pouvait ĂȘtre assimilĂ©e Ă du harcĂšlement. [218]   Le comitĂ© estime quâen raison du rapport de force inĂ©gal entre le juge de paix Massiah et les greffiĂšres, il nâest pas surprenant de constater que ces derniĂšres ont gardĂ© le silence ou fait semblant de prendre ses commentaires Ă la lĂ©gĂšre. [219]   Nous abondons dans le mĂȘme sens que lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation lorsquâil affirme ce qui suit :  « Il est difficile de croire que Monsieur le juge ne savait pas que ses commentaires Ă lâendroit des greffiĂšres du tribunal Ă©taient inappropriĂ©s. » Cette observation est tout Ă fait recevable quand on connaĂźt les antĂ©cĂ©dents du juge de paix Massiah auprĂšs des Commissions canadienne et ontarienne des droits de la personne.Lâattitude du juge de paix Massiah et la perception Ă lâĂ©gard de son rĂŽle quâil a suscitĂ©e
[220]   Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© au comitĂ© que dans le cadre de sa formation, on lâavait sensibilisĂ© au rĂŽle important que jouent les greffiĂšres dans la bonne marche du tribunal. Il sâest rendu compte que pour entretenir de bonnes relations avec les employĂ©s, il Ă©tait crucial quâil les traite bien. [221]   Pour favoriser le maintien dâun milieu de travail productif, le juge de paix Massiah sâadressait souvent aux greffiĂšres pour leur faire des commentaires quâil considĂ©rait comme des compliments. Ces commentaires portaient entre autres sur leur apparence physique et leur tenue vestimentaire. [222]   Le juge de paix Massiah projetait lâimage dâune personne sociable, joviale et chaleureuse. [223]   Il est Ă©vident que le juge de paix Massiah croyait fondamentalement que les greffiĂšres Ă©taient ses Ă©gales au palais de justice. Le comitĂ© a de la difficultĂ© Ă comprendre comment le juge pouvait croire sĂ©rieusement quâil nây avait pas de rapports de force inĂ©gaux entre lui et ses greffiĂšres. [224]   Il est agrĂ©able dâentendre que le juge de paix Massiah voulait promouvoir la notion dâĂ©quipe auprĂšs du personnel. Mais en derniĂšre analyse, il faut que le juge soit perçu comme une personne en situation dâautoritĂ©.  Peut-ĂȘtre quâil nâavait pas engagĂ© ni promu ou congĂ©diĂ© les greffiĂšres en cause, mais de par leur nature mĂȘme, son rĂŽle et son poste commandaient le respect et lâobĂ©issance.Mots employĂ©s
[225]   M. Bhattacharya a soutenu que contrairement Ă ce qui sâĂ©tait passĂ© dans certains des cas citĂ©s par M. Hunt, le juge de paix Massiah nâa pas utilisĂ© de mots Ă connotation sexuelle explicite. Il a reconnu que deux des commentaires en cause, sâil est dĂ©montrĂ© quâils ont Ă©tĂ© Ă©noncĂ©s, pourraient avoir Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©s comme des allusions expresses Ă des activitĂ©s sexuelles. Ces commentaires sont les suivants :  «Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune » et  « On devine le genre de choses que vous faisiez il y a treize semaines. » Cela dit, on a reconnu que certains des mots employĂ©s par le juge pourraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme renvoyant Ă un contexte sexuel. [226]   Lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation a notĂ© quâen dĂ©pit de lâabsence de langage sexuel explicite, les plaignantes ont soutenu quâelles avaient estimĂ© que les commentaires Ă©taient de nature sexuelle. M. Hunt a implorĂ© le comitĂ© de considĂ©rer la conduite du juge de paix Massiah dans son ensemble.Retard et mĂ©moire
[227]   M. Bhattacharya a insistĂ© sur le fait quâaucune des plaignantes nâa dĂ©posĂ© de plainte officielle Ă la suite de lâincident les concernant, pas plus quâĂ lâĂ©poque oĂč il est survenu. [228]   Le comitĂ© a Ă©tĂ© invitĂ© Ă tenir compte du fait que les tĂ©moins ne pouvaient se souvenir avec clartĂ© de ce qui a Ă©tĂ© dit ou fait, et quâaucune des plaignantes nâa pris de notes au sujet des incidents en cause. [229]   Les questions du retard et de la mĂ©moire sont deux aspects parmi plusieurs autres que le comitĂ© doit examiner pour Ă©valuer la crĂ©dibilitĂ© et la fiabilitĂ© de tout tĂ©moin. [230]   Le comitĂ© prend bonne note des observations faites par le juge Cory au sujet des avantages liĂ©s Ă la tenue rapide dâune audience dans la dĂ©cision R. c. Askov, 59 C.C.C. (3d) 449 Ă 475, comme suit :« Il y a aussi des avantages pratiques Ă disposer rapidement des accusations. Il n’y a pas de doute que le souvenir des Ă©vĂ©nements s’estompe avec le temps. Les tĂ©moins sont probablement plus fiables quand ils parlent d’Ă©vĂ©nements rĂ©cents plutĂŽt que d’Ă©vĂ©nements survenus plusieurs mois, voire plusieurs annĂ©es, avant le procĂšs. »
La mauvaise réputation du juge de paix Massiah qui a été mise en cause
[231]   M. Bhattacharya a attirĂ© lâattention du comitĂ© sur le fait quâon avait dit au dĂ©part Ă certains membres du personnel que le juge de paix Massiah avait la rĂ©putation dâĂȘtre un  « homme dĂ©goĂ»tant ». Lâavocat a laissĂ© entendre que ce genre de discours allait vraisemblablement avoir pour effet dâempoisonner les relations entre les employĂ©s et le juge de paix Massiah. [232]   M. Bhattacharya a rapidement prĂ©cisĂ© que de nombreuses personnes ne souscrivaient pas au point de vue selon lequel le juge de paix Massiah Ă©tait un  « homme dĂ©goĂ»tant ». De fait, elles avaient une opinion favorable de lui. [233]   Le comitĂ© reconnaĂźt que certaines des plaignantes Ă©taient peut-ĂȘtre au courant de la mauvaise rĂ©putation du juge de paix Massiah. [234]   Le comitĂ© sâest informĂ© au sujet de cette vision des choses ayant peut-ĂȘtre influencĂ© la façon dont les plaignantes ont perçu un Ă©vĂ©nement. Mais en derniĂšre analyse, cela nâest quâun autre facteur Ă prendre en considĂ©ration aux fins de lâĂ©valuation de la crĂ©dibilitĂ© et de la fiabilitĂ© de chaque tĂ©moin. [235]   Le comitĂ© estime quâaucune des plaignantes ne sâest laissĂ© influencer par la rĂ©putation moins que reluisante du juge de paix Massiah quand est venu le moment de dĂ©crire les situations en cause au comitĂ©.CrĂ©dibilitĂ©
[236]   M. Bhattacharya soutient que la capacitĂ© de son client de se souvenir du dĂ©tail de certaines allĂ©gations avait Ă©tĂ© diminuĂ©e par le passage du temps et par le retard dans la communication des dĂ©tails liĂ©s aux allĂ©gations soumises au comitĂ©. [237]   En dĂ©pit des inconvĂ©nients prĂ©citĂ©s, le juge de paix Massiah a semblĂ© tout Ă fait capable de donner des comptes rendus dĂ©taillĂ©s relativement Ă la plupart des affaires en cause. [238]   Le comitĂ© reconnaĂźt que le passage du temps explique que lâon puisse oublier des Ă©vĂ©nements passĂ©s ou sâen rappeler de maniĂšre plus ou moins prĂ©cise. Ce principe sâapplique Ă tous les tĂ©moins, y compris le juge de paix Massiah. [239]   Heureusement, aucune des dates ayant Ă©tĂ© communiquĂ©es au comitĂ© ne remonte trop loin dans le temps. [240]   Pour Ă©valuer la crĂ©dibilitĂ© dâune personne, le juge des faits doit tenir compte de plusieurs facteurs. Le comitĂ© ne propose pas de fournir une liste exhaustive de ces facteurs qui pourrait ĂȘtre utile pour rendre une dĂ©cision sur la question de la crĂ©dibilitĂ©. Cela dit, la prise en considĂ©ration du temps qui sâĂ©coule entre la survenue de lâĂ©vĂ©nement et le tĂ©moignage dâun tĂ©moin; la capacitĂ© de se souvenir des dĂ©tails; la façon dont les dĂ©positions sont donnĂ©es; la question de savoir si les Ă©lĂ©ments de preuve sont cohĂ©rents dâun point de vue interne et externe; le mobile; la corroboration; les divergences entre les tĂ©moignages; le casier judiciaire; la question de savoir si des tĂ©moins ont communiquĂ© entre eux; les prĂ©dispositions dâun tĂ©moin; les incapacitĂ©s, tant physiques que mentales; les malentendus Ă©ventuels; le fait dâagir selon son propre intĂ©rĂȘt; et la moralitĂ© sont quelques-uns des facteurs dont la prise en considĂ©ration peut aider Ă lâĂ©valuation dĂ©finitive de la crĂ©dibilitĂ© dâune personne. [241]   DĂšs que les faits ont Ă©tĂ© Ă©tablis, il faut se poser la question de savoir comment on doit en tenir compte. M. Bhattacharya a implorĂ© le comitĂ© dâappliquer les principes Ă©noncĂ©s dans R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742, 3 C.R. (4th) 302, 63 C.C.C. (3rd) 397. [242]   R. c. W.(D.) est une cause criminelle. Dans the Law of Evidence, 6e Ă©d., Toronto, Irwin Law Inc., 2011, les auteurs David M. Paciocco et Lee Stuesser Ă©crivent ce qui suit aux pages 532 et 533 :« (…) Du mĂȘme coup, la cause de la Couronne ne se trouve pas validĂ©e du simple fait que lâon a donnĂ© prĂ©sĂ©ance au tĂ©moignage dâun plaignant sur celui de lâaccusĂ©. Le tĂ©moignage du plaignant, ou une autre dĂ©position, doit servir Ă Ă©tablir le bien?fondĂ© de lâallĂ©gation au-delĂ de tout doute raisonnable. De fait, lors dâun procĂšs devant jury, le juge doit donner des directives Ă ce jury en ce qui a trait aux questions au sujet desquelles lâaccusĂ© a tĂ©moignĂ©, lorsque â la crĂ©dibilitĂ© est une question capitale ou importante. â Les directives suggĂ©rĂ©es, souvent dĂ©signĂ©es par lâexpression â la mise en garde faite dans W.(D.) â, sont les suivantes :
PremiĂšrement, si vous croyez la dĂ©position de l’accusĂ©, vous devez acquitter;
DeuxiĂšmement, mĂȘme si vous ne croyez pas la dĂ©position de l’accusĂ©, mais que vous avez un doute raisonnable, vous devez acquitter;
TroisiĂšmement, mĂȘme si vous nâavez pas de doute Ă la suite de la dĂ©position de l’accusĂ©, vous devez encore vous demander si vous ĂȘtes convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilitĂ© de l’accusĂ©, en vertu du reste de la preuve que vous avez acceptĂ©e. »
[243]   Paciocco et Stuesser traitent ensuite des causes civiles et relĂšvent ce qui suit Ă la page 533:« Dans une affaire civile, le plaignant doit Ă©tablir son allĂ©gation selon la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. Certains juges et observateurs ont affirmĂ© avec insistance que lâimportance de cette norme varie selon lâaffaire en cause. Ils ont aussi insistĂ© pour dire que lorsque les allĂ©gations faisaient intervenir un risque accru ou des stigmates moraux, dans le cas, par exemple, dâun acte frauduleux, de nĂ©gligence professionnelle ou dâune inconduite sexuelle, les tribunaux devraient se montrer plus prudents avant de trancher en faveur du plaignant. Dans F.H. c. McDougall, la Cour suprĂȘme du Canada a rejetĂ© cette approche en affirmant quâil nâexiste quâune seule norme et que dans toutes les affaires civiles, â le juge du procĂšs doit examiner la preuve pertinente attentivement pour dĂ©terminer si, selon toute vraisemblance, le fait allĂ©guĂ© a eu lieu. â »
La mise en garde faite dans W.(D.) nâa pas dâĂ©quivalent pour les causes civiles. Elle ne se transpose pas bien Ă la norme de la prĂ©pondĂ©rance des probabilitĂ©s. Dans les affaires civiles, le plaignant verra sa cause lâemporter si sa preuve est plus crĂ©dible que celle prĂ©sentĂ©e par la dĂ©fense en ce qui a trait Ă tous les Ă©lĂ©ments de la cause dâaction, alors que le dĂ©fendeur sera celui Ă qui on donnera gain de cause si lâon donne prĂ©sĂ©ance Ă la preuve de la dĂ©fense sur celle du plaignant quant Ă un Ă©lĂ©ment incontournable de la poursuite. »
(Le gras est de nous.)
[244]   M. Bhattacharya a donc Ă©tĂ© mal avisĂ© de sâappuyer sur lâarrĂȘt W.(D.) et il nâa pas tenu compte non plus du critĂšre McDougall. [245]   M. Bhattacharya a signalĂ© au comitĂ© que le juge de paix Massiah avait fait une dĂ©position claire et convaincante. Il revient au comitĂ© de trancher cette question. Or, le comitĂ© estime que lâĂ©valuation quâa faite lâavocat de la performance de son client est peut-ĂȘtre quelque peu exagĂ©rĂ©e. [246]   Nous avons conclu que le juge de paix Massiah avait tendance Ă essayer de promouvoir une certaine vision des choses lorsquâil rĂ©pondait aux questions qui lui Ă©taient posĂ©es plutĂŽt que de se concentrer sur ces questions. Il est difficile de croire quâil sâĂ©tait souvenu Ă la derniĂšre minute de son commentaire sur ses « muscles ». Et sa version relative Ă la grossesse de la greffiĂšre a Ă©tĂ© contredite par un autre juge de paix, ainsi que par la plaignante. [247]   En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les plaignantes ont bien tĂ©moignĂ©, prĂ©sentant leur version des faits de maniĂšre simple et directe. Elles Ă©taient mieux disposĂ©es Ă accepter des points de vue diffĂ©rents qui favorisaient souvent le juge de paix Massiah. [248]   Les plaignantes ont rapidement signalĂ© chaque incident Ă dâautres membres du personnel. Ces personnes Ă qui les plaignantes se sont confiĂ©es ont Ă©tĂ© en mesure de confirmer ce quâelles leur avaient dit, et elles avaient aussi la capacitĂ© de commenter objectivement lâĂ©tat Ă©motionnel des plaignantes.Le juge de paix R. nâa pas suffisamment communiquĂ© avec le juge de paix Massiah au sujet de la conduite de ce dernier
[249]   Le principe 2, sous la rubrique « IntĂ©gritĂ© », tel quâĂ©noncĂ© dans la publication du Conseil canadien de la magistrature intitulĂ©e Principes de dĂ©ontologie judiciaire, se lit comme suit :« En plus dâobserver des normes Ă©levĂ©es de conduite personnelle,
les juges incitent leurs collĂšgues Ă faire de mĂȘme et ils les appuient dans cette entreprise. »
[250]   Les commentaires 6 et 7 développent cette idée, comme suit :Commentaire 6
« En plus dâobserver des normes Ă©levĂ©es de conduite, les juges devraient inciter leurs collĂšgues Ă faire de mĂȘme et les appuyer dans cette dĂ©marche : la conduite rĂ©prĂ©hensible dâun juge rejaillit sur lâensemble de la magistrature.
Commentaire 7
Les juges ont Ă©galement lâoccasion dâobserver la conduite de leurs collĂšgues. Si un juge prend connaissance dâĂ©lĂ©ments quâil estime fiables et qui portent fortement Ă conclure Ă une conduite non professionnelle de la part dâun autre juge, il tient une rĂ©flexion sur les mesures qui permettront de corriger la situation. Le juge effectue cette analyse Ă la lumiĂšre de lâintĂ©rĂȘt du public Ă ce que la justice soit bien administrĂ©e. Le juge peut se renseigner auprĂšs de ses collĂšgues; il peut donner des conseils au collĂšgue qui a un problĂšme, ou lâassister dans ses dĂ©marches en vue dâobtenir de lâaide; et il peut faire part du problĂšme au juge en chef, au juge en chef associĂ© ou au juge en chef adjoint de la cour. »
[251]   Le comitĂ© prend acte de lâobligation imposĂ©e au juge de paix R. en vertu des principes prĂ©citĂ©s. Nous sommes conscients du fait que le juge de paix R. a Ă©tĂ© consternĂ© par lâĂ©change qui a eu lieu entre le juge de paix Massiah et CC (dont il a Ă©tĂ© tĂ©moin), et quâil nâa pas fait part de son inquiĂ©tude au juge Massiah. Nous comprenons que la tactique quâil a employĂ©e Ă ce moment-lĂ a Ă©tĂ© dâinterrompre la conversation plutĂŽt que de prendre position de maniĂšre vĂ©hĂ©mente. [252]   Le comitĂ© estime que ce que le juge de paix R. a fait ou non nâa pas une grande importance pour ce qui est de dĂ©terminer si lâincident est effectivement survenu et si la situation en cause peut ĂȘtre assimilĂ©e ou non Ă une inconduite judiciaire de la part du juge de paix Massiah.RĂ©percussions de lâaudience pour le juge de paix Massiah
[253]   Le juge de paix Massiah a mentionnĂ© au comitĂ© quâil rĂ©alisait maintenant que plusieurs des membres du personnel du tribunal nâapprĂ©ciaient pas la personnalitĂ© joviale et sociale dont il faisait montre Ă lâextĂ©rieur du tribunal et quâil avait lâintention de ne plus agir de cette façon Ă lâavenir.CONCLUSIONS DE FAIT ĂTABLIES PAR LE COMITĂ RELATIVEMENT AUX ALLĂGATIONS
PremiĂšre allĂ©gation de AA, paragraphe 2 de lâannexe A
(Les commentaires au sujet des yeux et des compliments, ceux-ci par opposition aux insultes.)
DeuxiĂšme allĂ©gation de AA, paragraphe 3 de lâannexe A
(Lâascenseur; « HĂ©, jeune femme »; lâincident du contact entre les mains)
TroisiĂšme allĂ©gation de AA, paragraphe 4 de lâannexe A
(Dâaccord, si jamais vous voulez me voir sans ma chemise, vous nâavez quâĂ me le dire.)
PremiĂšre allĂ©gation de BB, paragraphe 5 de lâannexe A
(Le juge lui a dit quâelle Ă©tait trĂšs belle et il lui a mentionnĂ© par la suite que la journĂ©e ne finirait pas tard et quâelle ne manquerait pas ce rendez-vous galant quâelle avait sĂ»rement de prĂ©vu vu sa tenue ravissante.)
DeuxiĂšme allĂ©gation de BB, paragraphe 6 de lâannexe A
(Le juge a touchĂ© le bras de la plaignante alors quâelle Ă©tait assise Ă la cafĂ©tĂ©ria et il lui a demandĂ© comment elle allait.)
PremiĂšre allĂ©gation de CC, paragraphe 7 de lâannexe A
(Commentaire fait Ă CC au sujet de sa grossesse.)
DeuxiĂšme allĂ©gation de CC, paragraphe 8 de lâannexe A
(Commentaires sur sa robe et sa coiffure, et sur le fait que le juge la regardait avec insistance.)
TroisiĂšme allĂ©gation de CC, paragraphe 9 de lâannexe A
(Tape sur les fesses de CC)
AllĂ©gation de DD, paragraphe 10 de lâannexe A
(Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune.)
PremiĂšre allĂ©gation de EE, paragraphe 11 de lâannexe A
(Sapristi, jeune femme, dâoĂč viennent donc ces formes parfaites?)
DeuxiĂšme allĂ©gation de EE, paragraphe 12 de lâannexe A
(« HĂ©, jeune femme, vous avez fiĂšre allure aujourdâhui. Ma foi, mĂȘme enceinte, vous ĂȘtes toujours aussi belle. »
PremiĂšre allĂ©gation de FF, paragraphe 13 de lâannexe A
(Discussion au sujet de ce que les greffiĂšres portent sous leur toge.)
DeuxiĂšme allĂ©gation de FF, paragraphe 14 de lâannexe A
(Propos Ă©noncĂ©s par le juge de paix Massiah alors quâil visualisait FF en train de se changer).
LES CONCLUSIONS DE FAIT DĂBOUCHENT-ELLES SUR UN CONSTAT DâINCONDUITE JUDICIAIRE?
[314]   Le comitĂ© en est arrivĂ© Ă la conclusion que les allĂ©gations suivantes avaient Ă©tĂ© Ă©tayĂ©es selon la norme de preuve Ă©tablie par la Cour suprĂȘme du Canada dans McDougall :Paragraphe 2 : lâincident lors duquel le juge de paix a fait des commentaires au sujet des yeux dâune greffiĂšre et a dit Ă celle-ci quâil voulait y plonger son regard, ainsi que le fait quâil lui a laissĂ© entendre quâelle aimait mieux les insultes que les compliments.
Paragraphe 4 : lâincident lors duquel le juge de paix a laissĂ© entendre que si la greffiĂšre voulait le voir sans sa chemise, elle nâaurait quâĂ le lui dire.
Paragraphe 5 : lâincident lors duquel le juge de paix a fait un commentaire sur la beautĂ© dâune greffiĂšre qui Ă©tait rendue au stade de la formation dans le cadre de son emploi, en plus de commenter son apparence physique et de lui dire quâelle pouvait partir pour aller Ă un rendez-vous galant.
Paragraphe 7 : lâincident lors duquel le juge de paix a commentĂ© ce quâune greffiĂšre avait fait treize semaines plus tĂŽt pour tomber enceinte, et quâil lui a donnĂ© un petit coup de coude dans la foulĂ©e de ce commentaire.
Paragraphe 10 : lâincident lors duquel le juge de paix a dĂ©clarĂ© ce qui suit :  «Ce nâest quand mĂȘme pas la premiĂšre fois que vous voyez ça. La mienne est brune. »
Paragraphe 11 : lâincident lors duquel le juge de paix a dit ce qui suit : « Sapristi, jeune femme, dâoĂč viennent donc ces formes parfaites? »
Paragraphe 12 : lâincident lors duquel le juge de paix a dit ce qui suit Ă une greffiĂšre :  « Ma foi, mĂȘme enceinte, vous ĂȘtes toujours aussi belle. »
[315]   Le comitĂ© en est aussi arrivĂ© Ă la conclusion que la conduite susdĂ©crite relĂšve de lâinconduite judiciaire. Nous nâavons pas lâintention de rĂ©pĂ©ter les commentaires et observations Ă©noncĂ©s plus haut au sujet de la notion dâinconduite judiciaire, sauf de façon trĂšs gĂ©nĂ©rale. [316]   Les juges doivent faire tous les efforts possible pour sâassurer que leur conduite est irrĂ©prochable aux yeux des personnes raisonnables, justes et informĂ©es. [317]   Les conclusions de fait Ă©tablies dans les prĂ©sents motifs permettent-elles dâaffirmer que la conduite du juge Ă©tait irrĂ©prochable? [318]   Le comitĂ© estime que tel nâest pas le cas. Nous constatons que chacune des allĂ©gations peut sous-tendre Ă elle seule un constat dâinconduite judiciaire. Nous avons pris note de la suggestion de lâavocat chargĂ© de la prĂ©sentation voulant que le comitĂ© pourrait aussi considĂ©rer les allĂ©gations Ă©tayĂ©es dans leur ensemble et que le type de conduite affichĂ©e par le juge de paix pourrait mener Ă un constat dâinconduite judiciaire. Nous sommes dâaccord avec cette observation bien quâen lâespĂšce, il nâest pas nĂ©cessaire de donner suite Ă une telle approche. [319]   En soi, chacune des allĂ©gations Ă©tayĂ©es porte principalement, Ă lâĂ©vidence, sur lâapparence et les formes physiques des greffiĂšres du tribunal, ou comporte une insinuation dâordre sexuel, et les commentaires en cause leur ont occasionnĂ© beaucoup dâembarras. [320]   Le fait que les plaignantes nâont pas dĂ©posĂ© de plainte officielle et quâelles nâont pas rĂ©agi est sans importance. Leur position commune se rĂ©sumait essentiellement Ă ce qui suit : « Il est juge de paix et nous ne sommes que des greffiĂšres de tribunal. » Le comitĂ© a Ă©tĂ© quelque peu perturbĂ© dâentendre les tĂ©moins se qualifier elles-mĂȘmes de soumises. Cela contraste assurĂ©ment avec le fait que le juge de paix Massiah voit le palais de justice comme un lieu dâĂ©galitĂ©. Le comitĂ© reconnaĂźt quâen rĂ©alitĂ©, il y a un rapport de force inĂ©gal entre un juge de paix et une greffiĂšre de tribunal. [321]   Ce rapport de force inĂ©gal explique certainement pourquoi les greffiĂšres Ă©taient rĂ©ticentes Ă se plaindre des commentaires du juge de paix Massiah ou Ă les remettre en question. Il faut aussi se rappeler que les nouveaux employĂ©s, en particulier, ne veulent pas faire de remous. [322]   Lâinclination du juge de paix Massiah Ă faire des compliments, Ă se montrer jovial et Ă favoriser lâesprit dâĂ©quipe est difficile Ă concevoir du point vue du bon sens et de ses propres antĂ©cĂ©dents. Il a longtemps travaillĂ© dans le domaine des droits de la personne. Il savait sĂ»rement que les commentaires du genre de ceux quâil faisait allaient Ă lâencontre de ce qui est jugĂ© appropriĂ© de nos jours. Le comitĂ© sait que le juge de paix Massiah a un tempĂ©rament sociable et chaleureux, mais il en arrive Ă la conclusion que les allusions frĂ©quentes de sa part Ă lâapparence des greffiĂšres sont complĂštement inappropriĂ©es. [323]   Le comitĂ© accepte que, considĂ©rĂ©s individuellement ou dans leur ensemble, les Ă©carts de conduite du juge de paix Massiah relĂšvent de lâinconduite judiciaire.DĂCISION
[324]   Le comitĂ© se rĂ©unira Ă nouveau pour entendre les observations de lâavocat en ce qui a trait Ă lâĂ©tablissement dâune dĂ©cision appropriĂ©e au vu des constats faits par le comitĂ©.FRAIS JUDICIAIRES
[325]   Le comitĂ© accueille la demande faite par M. Bhattacharya pour que les frais judiciaires engagĂ©s par le juge de paix Massiah aux fins de lâaudience lui soient remboursĂ©s. Le comitĂ© invite M. Bhattacharya Ă lui soumettre un Ă©tat de compte Ă©crit ainsi que toutes observations lui Ă©tant destinĂ©es par lâentremise du greffier.FAIT Ă Toronto, dans la province de lâOntario, le 1er mars 2012.
ComitĂ© dâaudition :
Lâhonorable juge Charles H. Vaillancourt
Madame la juge de paix Louise Rozon
Michael Phillips, Ph.D., membre de la communauté