Juge de paix Paul Kowarsky

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Dans l’affaire d’une audience instruite en vertu de l’article 11.1 de la Loi sur les juges de paix, L.R.O. 1990, chap. J.4, telle que modifiée, concernant une plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky.

Devant :

L’honorable Kathryn L. Hawke, juge principale régionale
Madame Cornelia Mews, juge de paix principale
Monsieur Steven G. Silver, membre du public

Comité d’audition du Conseil d’évaluation des juges de paix

Motifs de la décision

Avocats :

Me Marie Henein
Henein and Associates
Avocate présentant la cause

Me Mark Sandler
Cooper and Sandler, s.r.l.
Avocat du juge de paix Paul Kowarsky

Introduction

[1] Conformément à l’alinéa 11 (15) c) de la Loi sur les juges de paix, L.R.O. 1990, chap. J.4, telle que modifiée (la « Loi »), le Conseil d’évaluation des juges de paix a ordonné que la plainte au sujet de la conduite du juge de paix Paul Kowarsky soit renvoyée à un comité d’audition du Conseil d’évaluation pour qu’il tienne une audience formelle aux termes de l’article 11.1 de la Loi.

[2] Un avis d’audience, daté du 22 mars 2011, a été publié marquant le début du processus d’audience. Le comité s’est réuni le 25 mars 2011. Les motions préalables à l’audience et les questions de procédure ont été traitées les 25 mars et 26 avril 2011. Le 6 mai 2011 le comité a reçu les éléments de preuve et entendu les observations des parties. L’audience a été ajournée au 30 mai 2011, date à laquelle sera rendue la décision.

[3] L’avis d’audience – Annexe A – contient le détail des plaintes visant des événements qui se sont produits à trois dates distinctes. Ces dates, selon l’ordre dans lequel elles figurent dans l’Annexe, sont les suivantes :

1) le 29 janvier 2010;
2) une date se situant entre 2008 et le 29 janvier 2010;
3) le 2 mars 2010.

[4] Un exposé conjoint des faits a été déposé à l’audience, il décrit les événements survenus à ces trois dates.

Le cadre réglementaire

[5] Le paragraphe 11.1 (10) de la Loi sur les juges de paix stipule comme suit :

11.1. (10) Une fois qu’il a terminé l’audience, le comité d’audition peut rejeter la plainte, qu’il ait conclu ou non que la plainte n’est pas fondée ou, s’il donne droit à la plainte, il peut, selon le cas :

a) donner un avertissement au juge de paix;

b) réprimander le juge de paix;

c) ordonner au juge de paix de présenter des excuses au plaignant ou à toute autre personne;

d) ordonner que le juge de paix prenne des dispositions précises, telles suivre une formation ou un traitement, comme condition pour continuer de siéger à titre de juge de paix;

e) suspendre le juge de paix, avec rémunération, pendant une période quelle qu’elle soit;

f) suspendre le juge de paix, sans rémunération mais avec avantages sociaux, pendant une période maximale de 30 jours;

g) recommander au procureur général la destitution du juge de paix conformément à l’article 11.2.

[6] Ni ce paragraphe ni la Loi ne donnent de précisions sur l’expression « donne droit à la plainte » qui figure dans le paragraphe cité. Dans l’arrêt Welsh (2009) , une décision du Conseil d’évaluation des juges de paix, le comité d’audition a analysé le sens de cette expression. Nous sommes d’accord avec les commentaires de ce comité qui déclare au paragraphe 30 :

Les expressions « inconduite judiciaire » et « donner droit à une plainte » ne sont pas définies dans la Loi. Cependant, nous acceptons l’argument de l’avocat présentant la cause selon lequel les décisions du Conseil canadien de la magistrature et du Conseil de la magistrature de l’Ontario – quant à savoir si un juge a fait preuve d’inconduite judiciaire – s’appliquent au critère que nous devons utiliser pour décider s’il y a lieu de « donner droit » à une plainte (conformément au par. 11.1(10) de la Loi) et, dans l’affirmative, s’il y a lieu d’appliquer une ou plusieurs des mesures énoncées dans ce paragraphe, lesquelles sont identiques aux mesures que peut prendre le Conseil de la magistrature de l’Ontario aux termes du paragraphe 51.6 (11) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, chap. C. 43 (la « LTJ »). (Traduction)

[7] Quant au sens donné à l’expression « inconduite judiciaire », un extrait de l’arrêt Baldwin (2002), instruit par un comité d’audition du Conseil de la magistrature de l’Ontario, nous paraît riche en enseignements. Le comité s’était inspiré de deux décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Therrien c. Ministre de la Justice, [2001] 2 R.C.S. 3 et Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick(Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249. En page 5, le comité d’audition précise comme suit :

L’objet de l’instance sur une inconduite judiciaire est essentiellement correctif. Les dispositions prĂ©vues au paragraphe 51.6 (11) doivent ĂŞtre invoquĂ©es, au besoin, pour rĂ©tablir la confiance du public minĂ©e par la conduite du magistrat mis en cause.

Paraphrasant le critère Ă©tabli par la Cour suprĂŞme dans les arrĂŞts Therrien et Moreau-BĂ©rubĂ©, la question examinĂ©e en vertu du paragraphe 51.6 (11) est de savoir si la conduite qui est reprochĂ©e est si gravement contraire Ă  l’impartialitĂ©, l’intĂ©gritĂ© et l’indĂ©pendance de la magistrature qu’elle a minĂ© la confiance du public dans la capacitĂ© du juge d’accomplir les fonctions de sa charge ou l’administration de la justice de manière gĂ©nĂ©rale et (c’est nous qui soulignons) qu’il est nĂ©cessaire au Conseil de la magistrature de prendre l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe citĂ© pour rĂ©tablir cette confiance.

Ce n’est que lorsque la conduite qui fait l’objet de la plainte dĂ©passe ce seuil qu’il faut envisager d’appliquer l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe 51.6 (11). Une fois que le Conseil a dĂ©terminĂ© qu’il faut appliquer l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe 51.6 (11), il doit d’abord envisager la mesure la moins grave – un avertissement – et passer ensuite, par ordre sĂ©quentiel, Ă  la mesure la plus grave – une recommandation de destitution – et ordonner uniquement ce qui est nĂ©cessaire pour rĂ©tablir la confiance du public dans le juge et l’administration de la justice de manière gĂ©nĂ©rale. (Traduction)

Les faits

[8] Les conclusions de fait du comité, auxquelles il est parvenu en se fondant sur l’exposé conjoint des faits, sont décrites ci-dessous.

[9] La plaignante est une employée du tribunal. Le juge de paix Kowarsky était régulièrement affecté à présider dans le palais de justice où travaille la plaignante. Tous deux ont été affectés à la même salle d’audience de nombreuses fois au cours des deux ans à deux ans et demi mentionnés dans cette affaire. Ils avaient des relations de travail étroites, le juge de paix tenant à la fois le rôle de formateur et de mentor. Par ailleurs, avec le temps, ils se sont aussi fait des confidences d’ordre personnel. La plaignante considérait le juge de paix Kowarsky comme une figure paternelle.

[10] Le 29 janvier 2010, ils remplissaient leurs fonctions respectives dans la salle d’audience. Au cours de l’instance, le juge de paix Kowarsky s’est tourné vers la plaignante et a fait un commentaire déplacé de nature sexuelle à son endroit. Il a fait ce commentaire au moins une fois, puisqu’il a été enregistré sur la bande sonore de l’audience. Le commentaire n’a pas été entendu par l’autre employée du tribunal et, pour autant qu’on le sache, aucun membre du public ne l’a entendu non plus. Il est possible qu’il ait été prononcé une deuxième fois.

[11] Le commentaire déplacé de nature sexuelle était très bref, huit mots en tout. Les deux parties s’entendent là-dessus, et le comité est d’avis que le commentaire pas été formulé dans l’intention de blesser. Il s’agissait d’une tentative d’humour maladroite de la part du juge de paix. Il avait employé une expression à double sens pour formuler une demande innocente. Au contraire de la plupart des expressions à double sens, toutefois, le sens libertin de celle-ci était très clair, mais son apparente innocence, bien qu’elle ait pu être s’appliquer dans les circonstances, ne l’était pas du tout. De plus, le caractère libertin de l’expression dépassait l’indélicatesse. Dans les circonstances, il était insultant et dégradant.

[12] La plaignante était très blessée. Elle n’est pas revenue dans la salle d’audience l’après-midi et s’est portée absente le lendemain. Une fois les séances ajournées, le 29 janvier 2010, le juge de paix Kowarsky a téléphoné à la plaignante pour lui dire qu’il avait mal agi, que son commentaire était déplacé et qu’il appréciait son travail. Il a demandé qu’elle le rappelle. Elle a décidé de ne pas le faire.

[13] Avant le 29 janvier 2010, un jour en 2008, le juge de paix Kowarsky et la plaignante se sont salués avant d’entrer dans la salle d’audience. À l’époque, le juge de paix avait l’habitude de saluer ses collègues et employées du tribunal de sexe féminin qu’il n’avait pas vues depuis quelque temps en les serrant dans ses bras. Une fois, en saluant ainsi la plaignante, il lui avait dit que certaines personnes se disent bonjour en s’embrassant sur la bouche.

[14] Après le 29 janvier 2010, le 1er mars 2010, le juge de paix Kowarsky présidait, aidés de deux employés du tribunal, dont la plaignante. Pendant l’instance, le juge de paix s’est tourné vers les employés du tribunal pour leur dire qu’ils le dérangeaient et devaient cesser leur manège. Le lendemain, alors que le juge de paix et la plaignante étaient à nouveau affectés à la même salle d’audience, le juge de paix a appelé la plaignante dans son bureau pour lui parler de son comportement de la veille, qu’il considérait inapproprié. Pendant cet échange, la plaignante a nié avoir eu un comportement inapproprié et a mentionné la conduite du juge de paix Kowarsky le 29 janvier. Chacun a expliqué son point de vue sur les événements du jour en question, le juge de paix a dit que ses propos étaient innocents et avaient été mal interprétés et qu’il s’était excusé. Il a également demandé à la plaignante ce qu’elle attendait de plus (à part des excuses), à quoi elle a répondu qu’il (le commentaire) était déplacé, et qu’elle avait été très blessée parce qu’elle considérait le juge de paix comme une figure paternelle. Pendant cet échange, le juge de paix a haussé le ton au point qu’on aurait pu raisonnablement dire qu’il criait. La plaignante était en pleurs et ébranlée, elle a déclaré qu’on ne la payait pas assez pour qu’on lui crie après. Elle s’est excusée de son comportement de la veille et a ajouté qu’elle ne serait pas dans sa salle d’audience le lendemain.

[15] La plaignante a ensuite demandé à ne plus être affectée à la même salle d’audience que le juge de paix Kowarsky.

[16] En plus des conclusions ci-dessus, tirées de l’exposé conjoint des faits, le comité tient à préciser ce qui suit à propos des employés des tribunaux. Ces personnes sont employées par la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général et non directement par la Cour de justice de l’Ontario. Ceci dit, les relations de travail entre le juge de paix qui préside et les employés du tribunal sont clairement établis par la Loi sur les tribunaux judicaires, L.R.O. 1990, chap. C.43, par. 76 (2).

76.(1) Les greffiers, les sténographes judiciaires, les interprètes ainsi que les autres employés du tribunal obéissent aux directives du juge en chef du tribunal en ce qui concerne les questions que la loi réserve à la magistrature. 2006, chap. 21, annexe A, art. 14.

(2) Le personnel du tribunal visé au paragraphe (1) qui est affecté à une salle d’audience et qui y est présent se conforme aux directives du juge, du juge de paix, du protonotaire ou du protonotaire chargé de la gestion des causes qui préside le tribunal lorsque celui-ci siège. 2006, chap. 21, annexe A, art 14; 2009, chap. 33, annexe 2, par. 20 (16).

La question de l’inconduite judiciaire

[17] Le juge de paix Kowarsky reconnaît dans l’exposé conjoint des faits, et par l’intermédiaire de son avocat à l’audience, que le commentaire qu’il a fait le 29 janvier 2010 constitue une inconduite judiciaire.

[18] L’avocat du juge de paix Kowarsky et l’avocate présentant la cause ont chacun déclaré que les faits entourant les deux autres dates, figurant dans l’Annexe et l’avis d’audience et mentionnées plus tôt dans les conclusions de fait, ne constituent pas une inconduite judiciaire et devraient être rejetés.

[19] On s’accorde pour dire que les faits entourant ces deux autres dates devaient être vus dans le contexte général de la plainte visant l’incident du 29 janvier 2010.

RĂ©ponse de la plaignante

[20] La réaction immédiate de la plaignante aux actes du juge de paix Kowarsky est décrite dans l’exposé conjoint des faits et dans la rubrique « Les faits » ci-dessus. Elle a fourni d’autres renseignements, avec le consentement de l’autre partie, par l’intermédiaire de l’avocate présentant la cause.

[21] Tout au long de son argument, la plaignante confirme que le juge de paix ne s’est à aucun moment montré sexuellement agressif à son égard. Elle dit qu’elle respecte les juges de paix, y compris le juge de paix Kowarsky. Elle le considérait comme une figure paternelle. Elle venait de passer par une période difficile. Elle voulait être traitée sur un pied d’égalité. Après l’incident du 29 janvier, ajouté à ceux du 1er et du 2 mars, elle s’est sentie méprisée et rabaissée. Elle a donc porté plainte, ce qui, en plus des événements par eux-mêmes, a été une grande source d’angoisse au travail. L’année suivante, ils ont continué à travailler au même palais de justice. L’horaire de la plaignante a été modifié afin qu’elle ne travaille plus avec le juge de paix Kowarsky. À son avis, cette mesure a créé un malaise avec ses collègues, et elle a aussi eu l’impression qu’ils la regardaient différemment. Tout cela a également contribué à son angoisse.

Les antécédents du juge de paix Kowarsky et les mesures qu’il a prises après la plainte

[22] Le juge de paix Kowarsky a 68 ans. Il a fait une carrière distinguée de chantre en Afrique du Sud, aux É.-U. et au Canada (à Montréal et Toronto). Il a cessé cette activité en 2001. Il a obtenu son baccalauréat en droit en 1972, en Afrique du Sud. Il est venu au Canada en 1976, et à Toronto en 1980, avec sa femme et ses cinq enfants. Il s’est remarié en 2001. En 2007, il a subi une perte douloureuse, le décès de l’un de ses petits-enfants.

[23] Le juge de paix Kowarsky est en fonction depuis mai 2002. Il a prĂ©sidĂ© dans tous les tribunaux auxquels les juges de paix sont affectĂ©s, notamment le tribunal des cautionnements, plus spĂ©cifiquement dans des affaires mettant en cause des adolescents, et aussi Ă  la Cour des infractions provinciales oĂą il a instruit des procès complexes et de longue durĂ©e. Il a jouĂ© un rĂ´le de mentor très actif auprès d’autres juges de paix. Il a Ă©galement rempli les fonctions de juge de paix et chef rĂ©gional de l’administration. Il jouit d’un grand respect auprès de ses collègues et des autres personnes qui travaillent avec lui, notamment les membres du personnel judiciaire qui ont Ă©tĂ© interrogĂ©s. Il n’a fait l’objet d’aucune plainte auparavant.

[24] Dans l’exposé conjoint des faits, le juge de paix Kowarsky reconnaît que le commentaire qu’il a fait le 29 janvier 2010 était tout à fait déplacé, injustifié et mal venu. Il reconnaît également qu’il a bouleversé la plaignante.

[25] Il a présenté toutes ses excuses à la plaignante dans une lettre qui a été déposée à l’audience.

[26] Nous avons aussi reçu deux lettres de soutien (non sollicitées) de collègues du juge de paix. Elles parlent de son intégrité, de ses compétences et de son professionnalisme. Il est clair, d’après les observations de son avocat, que le juge de paix n’a pas sollicité les lettres de soutien, non parce qu’il n’aurait pas pu le faire, mais parce qu’il a délibérément choisi de ne pas le faire. Surtout auprès de ses collègues de travail, étant donné le poste qu’occupe la plaignante, le comité considère que ce choix était tout à fait approprié dans les circonstances car, s’il avait agi autrement, il aurait causé encore plus d’embarras à la plaignante sur son lieu de travail.

[27] Le juge de paix Kowarsky a demandé, et obtenu, la permission d’être affecté à d’autres endroits que celui où travaille la plaignante. Et, si elle change d’endroit, il fera de même. Nous avons reçu une lettre du juge principal régional, Robert Bigelow, datée du 19 avril 2011, dans laquelle il accepte la demande du juge de paix de modifier ses affectations. L’importance de cette demande d’affectation volontaire a été soulignée par l’avocate présentant la cause, qui la considère comme une grande marque d’égards pour la plaignante, et pour le comité.

[28] Un rapport de la Dre Lori Haskell, psychologue clinicienne, daté du 23 avril 2011, a été déposé à l’audience. L’objet de la consultation avec la Dre Haskell était d’examiner les limites et comportements de nature sexuelle admis et d’évaluer si le juge de paix Kowarsky avait compris la portée de ses actions et leurs répercussions. La Dre Haskell avait eu l’avantage de lire l’exposé conjoint des faits.

[29] Le contenu de son rapport confirme la conclusion selon laquelle le juge de paix a mesuré la gravité de sa conduite et son impact sur la plaignante. Le rapport explique la dynamique de la situation, il semble que la peine et l’humiliation causées par le commentaire déplacé ont été intensifiées par les liens étroits et les attentes entre les deux parties qui, auparavant, avaient des relations de travail agréables. Pour ce qui est des événements de 2008, la Dre Haskell et le juge de paix ont discuté de sa responsabilité, en tant que magistrat, de prendre conscience de son statut et de son pouvoir social et de pas dépasser les limites.

[30] Dans la rubrique « Sommaire et opinion » de son rapport, la Dre Haskell dit avoir trouvé le juge de paix prévenant et sincèrement repentant; il est désolé du mal qu’il a fait à la plaignante; il a changé son comportement professionnel et il est peu probable qu’il commette une erreur semblable à l’avenir; en plus d’être plus vigilant dans sa conduite professionnelle, il a compris que ses intentions et les répercussions de ses actes sont deux choses distinctes. Elle conclut son rapport en disant :

« Il semble aussi que le juge de paix Kowarsky comprennent mieux, après ces événements, l’importance de respecter les limites professionnelles, il a mesuré à la fois la gravité de ce qu’il a fait et l’impact de ses actes sur les autres. Il est donc conscient et vigilant et, compte tenu de la tournure des choses et des conséquences professionnelles qu’il a subies, il est très peu probable qu’il passe à nouveau les limites de cette façon à l’avenir. » (Traduction)

DĂ©cision

[31] Le comité est d’accord avec les observations des avocats selon lesquels les faits datant du 29 janvier 2010 constituent une inconduite judiciaire, et donne droit à cette plainte.

[32] Le comité est aussi d’accord avec les observations des avocats selon lesquels les faits qui se sont déroulés aux deux autres dates, et sont décrits dans l’avis d’audience, ne constituent pas une inconduite judiciaire, et rejette ces plaintes. Ces faits ne satisfont pas au critère mentionné au paragraphe 7 ci-dessus.

[33] Le critère prĂ©liminaire, tel que dĂ©crit plus tĂ´t et plus en dĂ©tails au paragraphe 7 « est de savoir si la conduite qui est reprochĂ©e est si gravement contraire Ă  l’impartialitĂ©, l’intĂ©gritĂ© et l’indĂ©pendance de la magistrature qu’elle a minĂ© la confiance du public dans la capacitĂ© du juge d’accomplir les fonctions de sa charge ou l’administration de la justice de manière gĂ©nĂ©rale et (c’est nous qui soulignons) qu’il est nĂ©cessaire au Conseil de la magistrature de prendre l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe citĂ© pour rĂ©tablir cette confiance. »

[34] Retournons à la plainte portant sur le 29 janvier 2010, si l’on suit le raisonnement des la première partie du critère, les faits qui se sont produits à cette date sont gravement contraires à « l’intégrité » « de la magistrature ». Comme nous allons l’expliquer ci -dessous, on pourrait s’attendre à ce que, devant une telle conduite, des membres du public raisonnables, objectifs et éclairés voient leur confiance dans l’administration de la justice compromise.

[35] D’abord, une conduite de cette nature venant d’une autre personne participant au processus judiciaire ne serait pas tolérée, surtout lorsque, comme c’est le cas ici, le tribunal siège. Afin de préserver l’intégrité de la magistrature, le juge qui préside doit se comporter au moins aussi bien que tous les autres intervenants devant la cour. Lorsque, comme c’est le cas ici, la conduite tombe sous le seuil requis, la confiance du public dans l’administration de la justice est minée.

[36] Ensuite, et même si le personnel judiciaire n’est pas directement employé par les tribunaux eux-mêmes, il doit néanmoins se conformer aux directives du juge de paix qui préside. Pour préserver l’intégrité de la magistrature dans ce contexte, la norme de conduite professionnelle attendue d’un juge de paix devrait raisonnablement être la même que celle que l’on attend d’un supérieur dans un cadre professionnel plus typique. La conduite en cause ici n’a pas répondu à ces attentes et, ce faisant, elle a contribué à miner la confiance du public dans l’administration de la justice.

[37] La deuxième partie du critère porte sur nĂ©cessitĂ© de prendre l’une des mesures prĂ©vues au paragraphe 11.1 (10) pour rĂ©tablir la confiance du public.

[38] Selon l’avocate présentant la cause, la plainte porte sur une inconduite judiciaire qui nécessite que l’on prenne une mesure, elle rappelle au comité les mesures prévues par la Loi, mais n’en propose aucune en particulier. L’avocat du juge de paix Kowarsky estime pour sa part qu’une réprimande serait une mesure appropriée.

[39] Le comité note qu’il s’agit d’un bref incident et accepte le contexte et l’intention décrits plus tôt dans la rubrique « Les faits ».

[40] Le comité est d’avis que les mesures déjà prises par le juge de paix Kowarsky rendent inutiles d’envisager certaines des mesures prévues par la Loi. Il s’est excusé à la plaignante à l’époque des faits et dans le cadre du processus d’audience, et il a suivi la séance de counseling requise avec la Dre Haskell. Cette dernière est d’avis qu’il n’a pas besoin d’autres séances. Le comité se félicite que le juge de paix ait pris ces mesures, elles aideront à rétablir la confiance du public.

[41] Le comité note aussi que le juge de paix Kowarsky a fait un geste très important en demandant qu’on change ses affectations afin de rendre les choses plus faciles pour la plaignante. C’était la seule solution. C’est un geste très encourageant pour la plaignante. Un geste qui est une preuve d’intégrité et devrait aider à rétablir la confiance du public.

[42] La décision du comité est de réprimander le juge de paix Kowarsky.

[43] Le comité est convaincu, sur la foi de la preuve avancée à cette audience publique, que le juge de paix Kowarsky a pris toute la mesure du sens et de l’importance de ses actes. Par conséquent, et compte tenu des mesures qu’il a pris de son propre chef, la réprimande recommandée est suffisante pour rétablir la confiance du public dans l’administration de la justice.

Fait à Toronto, dans la province de l’Ontario, le 30 mai 2011.

Comité d’audition :

L’honorable Kathryn L. Hawke, juge principale régionale
Madame Cornelia Mews, juge de paix principale
Monsieur Steven G. Silver, membre du public