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Avis d’audience sur une plainte relative à la conduite de la juge de paix Anna Gibbon

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Conformément au paragraphe 11 (15) de la Loi sur les juges de paix, L.R.O. 1990, chap. J.4, le Conseil d’évaluation des juges de paix tiendra une audience formelle sur une plainte concernant la conduite de la juge de paix Anna Gibbon de la Cour de justice de l’Ontario.

Le comité d’audition examinera si la conduite alléguée, résumée ci-dessous et décrite en détail dans l’avis d’audience, a bien eu lieu et si elle constitue une inconduite judiciaire :

La juge de paix a agi comme défenseure de son fils à l’égard de l’affaire juridique de ce dernier et a tenté de persuader, menacer et/ou intimider le poursuivant, le superviseur des services aux tribunaux et/ou le juge de paix principal régional en vue d’obtenir que les accusations contre son fils soient retirées ou annulées. La juge de paix a invité des officiers de justice assignés à présider l’audience sur l’affaire de son fils à dîner, à son domicile. La juge de paix a divulgué des renseignements confidentiels au sujet de l’enquête du Conseil sur sa conduite à un greffier du tribunal et fait des remarques désobligeantes au sujet de membres du personnel du tribunal. La juge de paix a abusé de sa charge judiciaire et n’a pas préservé l’intégrité, l’impartialité et l’indépendance de la charge judiciaire.

État de la plainte

Le 11 octobre 2022, le comité d’audition a rendu sa décision sur la demande de la juge de paix visant à obtenir une recommandation d’indemnisation pour frais juridiques encourus dans le cadre de l’enquête et de l’instance. La juge de paix demandait un montant total de 124 374,54 $, ce qui comprenait les débours et la TVH.

Pour les motifs énoncés dans sa décision écrite, le comité a ordonné que la juge de paix Gibbon reçoive une indemnité partielle de 114 495,51 $ pour frais juridiques encourus, y compris la TVH et les débours. La décision du comité a été publiée sur la page Web Décisions rendues à la suite des audiences publiques du CEJP.

Contexte

La décision d’ordonner la tenue d’une audience a été prise après une enquête sur les plaintes menée conformément au processus d’examen des plaintes du Conseil d’évaluation. Un comité des plaintes composé de trois personnes, à savoir un juge, un juge de paix et un membre qui est avocat ou membre du public, a enquêté sur les plaintes et ordonné la tenue d’une audience formelle sur les plaintes.

En vertu du paragraphe 11.1 (1) de la Loi, l’honorable juge en chef Lise Maisonneuve, présidente du Conseil d’évaluation, a constitué un comité d’audition composé de membres du Conseil, consistant en un juge qui présidera le comité, un juge de paix et un membre du public.

Aux termes de l’article 11.1 de la Loi, le comité d’audition peut rejeter les plaintes, qu’il ait conclu ou non que les plaintes ne sont pas fondées ou, s’il donne droit aux plaintes, il peut prendre l’une ou plusieurs des sanctions suivantes :

    1. donner un avertissement au juge de paix;
    2. réprimander le juge de paix;
    3. ordonner au juge de paix de présenter des excuses au plaignant ou à toute autre personne;
    4. ordonner que le juge de paix prenne des dispositions précises, telles suivre une formation ou un traitement, comme condition pour continuer de siéger à titre de juge de paix;
    5. suspendre le juge de paix, avec rémunération, pendant une période quelle qu’elle soit;
    6. suspendre le juge de paix, sans rémunération mais avec avantages sociaux, pendant une période maximale de trente jours.

Le comité peut également recommander au procureur général la destitution du juge de paix. Cette sanction ne peut être combinée à aucune autre.

En vertu du paragraphe 11.2 (1) de la Loi, un juge de paix ne peut être destitué que par décret du lieutenant-gouverneur en conseil.

En vertu de l’alinéa 11 (11) a) de la Loi sur les juges de paix, le comité a recommandé à titre provisoire au juge principal régional qu’aucun travail ne soit attribué à la juge de paix McLeod jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue concernant les plaintes. Cette recommandation provisoire a été acceptée et la juge de paix ne se verra pas attribuer de travail jusqu’à la décision définitive concernant ces plaintes. Conformément à la Loi, elle continuera toutefois d’être payée.

Historique procédural

Le 27 janvier 2021, le comité d’audience s’est réuni avec les avocats par téléconférence pour une première comparution. À la demande des avocats, le comité d’audition a ordonné la tenue d’une conférence préparatoire à l’audience. Le comité d’audition a fixé une autre comparution le 6 avril 2021 pour fixer les dates d’audience.

Le 6 avril 2021, une conférence téléphonique a eu lieu pour discuter de la suite de l’affaire. L’avocat de la juge de paix a soutenu que des dates d’audience ne devraient pas être fixées avant que l’avocate chargée de la présentation ne divulgue des documents supplémentaires et qu’une deuxième conférence préparatoire à l’audience ne soit convoquée. L’avocate chargée de la présentation a indiqué qu’elle déposerait une motion en vue de retirer certaines des allégations devant faire l’objet d’une audience. L’audition de la motion a été fixée au 28 avril, à 9 h.

Les parties ont comparu devant le comité d’audition le 28 avril 2021. L’avocate chargée de la présentation a confirmé que les demandes de divulgation ont été exécutées et que les avocats étaient prêts à fixer des dates d’audience.

L’audience a été fixée pour les semaines du 14 au 18 juin et du 5 au 9 juillet 2021 pour la présentation des preuves et des observations.

L’avocate chargée de la présentation a ensuite présenté sa motion en retrait de deux des allégations formulées dans l’avis d’audience au motif qu’il n’y avait aucune chance raisonnable d’obtenir une conclusion d’inconduite judiciaire à l’égard de ces allégations. La juge de paix a consenti à la motion. Le comité d’audition a accueilli la motion pour les motifs énoncés dans sa Décision sur la motion en retrait de certaines allégations contenues dans l’avis d’audience, consultable sur la page Web Audiences publiques – Décisions. Le comité d’audition a aussi ordonné que l’avocate chargée de la présentation signifie et dépose un avis d’audience modifié.

L’audition des témoignages a commencé le 14 juin 2021. Après les déclarations préliminaires de l’avocate chargée de la présentation et de l’avocat de la juge de paix, l’avocate chargée de la présentation a appelé Nicole Klein à témoigner. L’affaire a été ajournée au 15 juin 2021. À cette date, l’avocate chargée de la présentation a appelé Jody Kontzie et le juge de paix principal régional Bernard Caron.

Le 16 juin 2021, l’avocate chargée de la présentation a appelé ses deux derniers témoins. Le juge de paix Gordon Chaput et Jessica Strobel. Le comité d’audition a libéré la date d’audience du 17 juin 2021 et ajourné l’affaire au 18 juin 2021, à 9 h 30.

Au début de l’audience du 18 juin 2021, l’avocat de la juge de paix a présenté une motion en vue d’obtenir une interdiction de publication à l’égard de l’adresse résidentielle et des coordonnées de la juge de paix Gibbon, de son mari et de son fils. Sur consentement de l’avocate chargée de la présentation, le comité d’audition a imposé une interdiction temporaire de publication afin de caviarder l’adresse résidentielle et les coordonnées de la juge de paix Gibbon, de son mari et de son fils des éléments de preuve et documents qui font partie du dossier public à l’audience. Le comité d’audition a ordonné que les avocats préparent des observations sur la question de savoir si les médias devraient être avisés de l’interdiction de publication lorsque l’audience reprendra, en juillet.

Après cette discussion, la juge de paix Gibbon a entamé son témoignage. L’affaire a été ajournée au 5 juillet 2021, date à laquelle la juge de paix continuera son interrogatoire principal.

L’audience s’est poursuivie le 5 juillet 2021. Après la motion de la juge de paix en vue d’obtenir une interdiction de publication, le comité d’audition a ordonné que l’adresse résidentielle de la juge de paix et les numéros de téléphone de la juge de paix, de son mari et de son fils soient expurgés des preuves et des documents qui font partie du dossier public de l’audience en question.

L’avocat de la juge de paix a conclu son interrogatoire principal de la juge de paix et l’avocate chargée de la présentation a conclu son contre-interrogatoire.

Le 6 juillet 2021, des membres du comité d’audition ont posé à la juge de paix des questions découlant de son contre-interrogatoire. L’avocat de la juge de paix a ensuite appelé deux témoins appelés à témoigner sur sa moralité : Roseanna Hudson et David MacKenzie. Après leurs témoignages, l’avocat de la juge de paix a confirmé que la présentation des preuves de la juge de paix était terminée.

Le comité d’audition a ordonné que des observations finales soient faites par écrit. L’avocate chargée de la présentation remettra ses observations avant le 30 juillet et l’avocat de la juge de paix remettra ses observations de réponse avant le 23 août 2021. Les parties et le comité d’audition se sont réunis le 1er octobre et le 12 novembre 2021 pour faire des observations orales de réponse.

Le 7 février 2022, le comité d’audition a publié ses motifs de décision, dans lesquels il a conclu que la juge de paix Gibbon avait commis une inconduite judiciaire en intervenant dans l’instance de son fils régie par le Code de la route, notamment en appelant le poursuivant pour discuter du cas de son fils, en invitant deux juges de paix de l’extérieur de la ville à manger chez elle le jour de la comparution prévue de son fils au tribunal et en demandant au juge de paix principal régional de retirer ou d’annuler les accusations contre son fils.

Le comité d’audition estime que la conduite de la juge de paix Gibbon à l’égard de la poursuite du cas de son fils était incompatible avec sa charge judiciaire. Le comité d’audition a conclu que l’omission, par la juge de paix, à plus d’une reprise, de respecter les limites éthiques et professionnelles de sa charge et l’obligation de se conduire avec impartialité, intégrité et indépendance a miné la confiance du public dans l’administration de la justice.

L’étape de l’audience relative à la décision a commencé le 6 avril 2022 avec les observations de l’avocate chargée de la présentation. Selon les questions soulevées pendant l’audience et les observations de l’avocate chargée de la présentation, l’avocat de la juge de paix a demandé de pouvoir présenter d’autres observations écrites. Le comité d’audition a accepté et ordonné à l’avocat de la juge de paix de présenter ses observations d’ici le 29 avril 2022.

L’étape de l’audience consacrée à la décision a eu lieu le 24 mai 2022. L’avocat de la juge de paix a présenté des observations et l’avocate chargée de la présentation a présenté des observations de réponse.

Le comité d’audition a réservé sa décision sur la mesure à prendre.

Dans sa décision publiée le 7 février 2022, le comité d’audition a conclu à l’unanimité que la juge de paix Gibbon avait commis une inconduite judiciaire en intervenant de façon inappropriée dans l’instance de son fils régie par le Code de la route, notamment en appelant le poursuivant pour discuter du cas de son fils, en invitant deux juges de paix de l’extérieur de la ville à manger chez elle le jour de la comparution prévue de son fils au tribunal et en demandant au juge de paix principal régional de retirer ou d’annuler les accusations contre son fils.

Le comité d’audition a estimé que la conduite de la juge de paix Gibbon à l’égard de la poursuite du cas de son fils était incompatible avec ses fonctions de juge de paix et avait compromis l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité de sa charge judiciaire. Le comité d’audition a aussi conclu que l’omission, par la juge de paix, à plus d’une reprise, de respecter les limites éthiques et professionnelles de sa charge et l’obligation de se conduire avec impartialité, intégrité et indépendance a miné la confiance du public dans l’administration de la justice.

Après avoir reçu des observations orales et écrites sur la décision relative à la mesure à prendre, le comité d’audition a publié sa décision sur la mesure à prendre, par écrit, le 25 août 2022.

Pour les motifs énoncés dans sa décision, la majorité du comité d’audition (le juge Timothy Lipson et M. John Tzanis) a recommandé au procureur général la destitution de la juge de paix Anna Gibbon. La majorité du comité d’audition a estimé que la nature grave de l’inconduite, les multiples conclusions défavorables du comité d’audition au sujet de la crédibilité de la juge de paix et le refus de la juge de paix de reconnaître ses torts ou de prendre des mesures proactives de réhabilitation exigeaient la mesure la plus grave, à savoir la recommandation de sa destitution, afin de rétablir la confiance du public dans la magistrature et l’administration de la justice en général.

La membre dissidente du comité d’audition (la juge de paix Holly Charyna) était d’avis que l’application des principes énoncés dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Gladue exigeait la prise d’une combinaison de mesures réparatrices en vue de rétablir la confiance du public, car la juge Gibbon est une juge de paix autochtone et que son inconduite était liée à son vécu de femme autochtone et de participante au système de justice. La membre dissidente aurait imposé une combinaison de mesures en vertu du par. 11.1 (10) de la Loi sur les juges de paix, à savoir un avertissement, une réprimande, une suspension de 30 jours sans rémunération, l’exigence de trouver un mentor, la participation à un cercle de guérison, suivis de la présentation d’excuses aux personnes touchées par l’inconduite de la juge de paix et de l’exigence de suivre une formation et du mentorat pendant au moins un an ou selon ce que déciderait le juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario.

Le comité d’audition a ordonné que l’avocat de la juge de paix Gibbon présente des observations sur l’indemnisation des frais pour services juridiques qu’elle a engagés relativement à la plainte dans les 14 jours de la publication des motifs. L’avocate chargée de la présentation aura ensuite 14 jours pour présenter une réponse.

Les avocats chargés de la présentation sont Mes Linda Rothstein et Alysha Shore, Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP.

L’avocat de la juge de paix Gibbon est Me Eugene Bhattacharya.

Pour des renseignements généraux, envoyer un courriel à : Council_Information@ontario.ca