2020 Discours à l´occasion de l´ouverture des cours
Discours de la cérémonie d’ouverture des tribunaux
L’honorable Lise Maisonneuve
Juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario
Le 22 septembre 2020
En cette première cérémonie virtuelle d’ouverture des tribunaux, j’ai le grand privilege d’etre ici avec les juges en chef Strathy et Morawetz. Je souhaite la bienvenue au ministre de la Justice général Lametti et le procureur général Downey.
Je fais miens les commentaires du juge en chef Strathy sur les effets perturbateurs de la pandémie du coronavirus pour notre société, conjugués aux conséquences graves et tragiques de l’agitation sociale pour les groupes racialisés au Canada et aux États-Unis. Certes, la pandémie a été difficile pour tout le monde, mais elle a de plus aggravé les incertitudes que vivent au quotidien les plus vulnérables d’entre nous.
Les changements radicaux que nous a imposés la pandémie nous ont secoués profondément comme rien ne l’a fait auparavant. Le choc qui a ébranlé les fondements de notre société nous a toutefois rappelé combien il était essentiel d’avoir un système de justice fort, équitable et efficace pour préserver l’équilibre de notre province et de tous les gens que nous servons. La pandémie a sans doute exposé quelques failles de notre système judiciaire, mais elle a également révélé les possibilités de renforcement, d’amélioration et de progrès.
Ces derniers mois, j’ai vu des possibilités naître dans l’ensemble du système judiciaire. Grâce à la débrouillardise, à la capacité d’adaptation et au dévouement de nombreuses personnes qui ont uni leurs efforts, des changements ont été introduits qui, j’en suis sûre, favoriseront une amélioration durable du système judiciaire et de nos façons d’offrir des services aux Ontariens.
Il est plus avantageux et plus important que jamais, pour la Cour de justice de l’Ontario, la Cour d’appel et la Cour supérieure, d’œuvrer ensemble. Notre traditionnel souci de collaboration nous a été utile ces derniers mois pendant que nous mettions au point de nouvelles façons de rendre la justice. Je suis reconnaissante aux juges en chef Strathy et Morawetz de leur appui et de leur leadership.
Les membres de la Cour de justice de l’Ontario se sont employés avec diligence à préserver l’accès à la justice pour tous les Ontariens, malgré les profonds changements. Il nous a été nécessaire de modifier rapidement nos mécanismes et procédures de règlement des affaires criminelles et des affaires de droit de la famille mais nous avons toujours accordé la priorité au respect de la justice et à la sûreté des personnes qui font partie du système ou qui y ont recours. Bon nombre des nouveaux mécanismes et procédures introduits constituent des gains d’efficacité qui serviront à améliorer encore le système judiciaire et qui devraient être là pour rester après la pandémie.
Je tiens en outre à remercier en particulier les membres du comité administratif de la Cour, qui ont passé de très nombreuses, longues et stressantes journées – sans pause – à élaborer et à mettre en œuvre les modifications des mécanismes de notre Cour, à savoir : les juges en chef adjoints DeFreitas et Nicklas, la juge de paix principale et conseillère Scully et notre équipe de juges principaux régionaux, de juges de paix principaux régionaux, de juges fonctionnaires locaux et de juges de paix fonctionnaires locaux.
Au cours de l’année dernière, notre comité administratif et notre Cour ont vécu des changements. J’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au juge principal régional Vincent Clifford, qui remplace Jean Legault dans la région de l’Est. Je remercie le juge Legault de ses bons et loyaux services de juge principal régional. Bienvenue à notre nouvelle juge de paix principale et conseillère Lauren Scully, à notre nouvelle juge de paix principale Jane Moffatt et à notre nouveau juge de paix principal régional Gary McMahon, de la région du Nord-Est.
J’en profite pour remercier la juge de paix principale régionale Linda LeBlanc, de la région de l’Est, et le juge de paix principal régional Thomas Stinson, de la région de l’Ouest. C’est la dernière fois qu’ils assistent à la cérémonie d’ouverture des tribunaux dans le cadre de leurs fonctions actuelles.
Au cours de l’année écoulée, 20 juges et 12 juges de paix ont été nommés à notre Cour. Je souhaite remercier les membres du Comité consultatif sur les nominations à la magistrature et du Comité consultatif sur la nomination des juges de paix et le Procureur général de leur travail inlassable et d’avoir veillé à ce que les postes à la magistrature soient pourvus en cette période. Au fil des ans, les procédures de nomination des magistrats de notre province nous ont valu, indéfectiblement, d’avoir des magistrats remarquables. Cela témoigne des apports importants de ces deux comités.
Le Comité consultatif sur les nominations à la magistrature, en particulier, est largement reconnu pour préserver la reddition de comptes au public dans la procédure de nomination des juges de notre province. Notre système indépendant de nomination des magistrats, inscrit dans la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, sert à inspirer au public confiance envers notre profession. Il a en outre permis la nomination de candidats divers et très qualifiés à notre Cour. Le Comité consultatif sur les nominations à la magistrature a pour fonction de veiller à ce que ces nominations soient fondées seulement sur le mérite, sans égard à la couleur politique, et c’est ce qui fait de la procédure de l’Ontario un modèle à suivre pour la réforme du mode de nomination des magistrats dans tout le pays et ailleurs dans le monde. Les récents événements nous rappellent la valeur intrinsèque d’un mécanisme de nomination des juges indépendant et fondé sur le mérite.
De nombreuses autres personnes et organisations ont fait preuve d’un extraordinaire esprit d’initiative en cette période difficile.
L’Association des juges de l’Ontario et l’Association des juges de paix de l’Ontario ont assuré un grand soutien. Je souligne la diligence et la créativité du personnel de mon bureau, dirigé par la conseillère juridique principale Lori Newton. Mon personnel travaille toujours sans relâche et donne de précieux conseils.
Les efforts de nombreuses autres personnes en cette période éprouvante et stressante m’encouragent beaucoup. Leur volonté de coopérer et d’échanger des idées nous a donné la capacité de repenser et de remodeler de très nombreux éléments de notre système judiciaire tout en préservant son équité, son ouverture et son accessibilité.
Je remercie le procureur général Downey pour les efforts de son ministère – et surtout pour ceux de la Division des services aux tribunaux et de la Division du droit criminel. Je reconnais le soutien de l’ancien sous-procureur général Paul Boniferro et de l’ancien sous-procureur général par intérim Irwin Glasberg, et je souhaite la bienvenue au sous-procureur général David Corbett. Je souligne les efforts extraordinaires de l’ancienne sous-procureure générale adjointe pour les services aux tribunaux, Sheila Bristo, et ceux de celle qui lui succède, la sous-procureure générale adjointe par intérim Beverly Leonard, ainsi que de la directrice générale du Secrétariat de la reprise, Samantha Poisson.
Il n’aurait pas été possible de réaliser des changements de grande ampleur en si peu de temps sans la contribution du Secrétariat de la reprise.
Je remercie également les membres du Barreau, le personnel de la Division des services aux tribunaux, Aide juridique Ontario, les services de police et les fournisseurs de services dans les domaines du droit de la famille, du droit criminel et des infractions provinciales, qui ont consacré du temps et de l’énergie à apprendre et à appliquer tous les nouveaux mécanismes, directives et protocoles que la Cour de justice de l’Ontario a publiés ces sept derniers mois.
Grâce à ces efforts collectifs, les tribunaux ont poursuivi leurs activités durant une période difficile et la réouverture des salles d’audience progresse dans toute la province. Merci.
Je suis reconnaissante envers le Comité de modernisation du système de justice pénale de la Cour de justice de l’Ontario d’avoir œuvré diligemment à moderniser les mécanismes de la justice pénale. Ce comité a fermement défini l’orientation d’un grand nombre de solutions qui ont pris forme en réponse à la crise actuelle. La pandémie a mis en valeur les efforts de ce comité : elle a démontré l’importance accrue de son travail car nous constatons maintenant que le règlement des instances par des moyens virtuels est devenu, durablement, partie intégrante du système de justice pénale.
Étant donné les exigences constantes et pressantes liées à la pandémie, je me réjouis à la perspective de poursuivre la collaboration avec tous les autres membres de ce comité, notamment des cadres supérieurs venus de la Cour, de l’administration publique, de la Criminal Lawyers’ Association, d’Aide juridique Ontario et de l’Ontario Association of Chiefs of Police.
Mais notre aventure est loin d’être terminée. À mesure que nous rouvrons les salles d’audience, nous voyons croître de manière exponentielle notre recours aux technologies, car nous offrons de plus en plus de services virtuellement. Nous savons que, pour que nos progrès se poursuivent, il nous faudra investir beaucoup en faveur des technologies afin de maintenir et d’améliorer nos moyens de travailler à distance. Ainsi, il est essentiel d’avoir des outils à jour pour donner à notre Cour des moyens efficaces de gérer les causes – c’est d’autant plus important que nous devons rattraper les retards accumulés au cours des derniers mois.
Si nous ne disposons pas d’outils de travail, l’accès à la justice en temps utile sera compromis. Compte tenu de la rapidité de l’innovation auprès de nos tribunaux, ce besoin est pressant et constant.
Le renforcement des moyens technologiques n’est pas l’unique besoin de nos tribunaux et des gens au service desquels nous sommes. Les gens qui n’ont pas d’avocat pour les représenter sont dans une situation de grande vulnérabilité. Tout comme le juge en chef Strathy, j’appelle de mes vœux un effort budgétaire important en faveur de l’aide juridique. Plus encore qu’avant la pandémie, l’aide juridique dans notre province doit être convenablement financée pour que les membres de notre société dont la situation est la plus précaire obtiennent des services. C’est d’autant plus vrai que nous utilisons de plus en plus de moyens virtuels auxquels de nombreuses personnes vulnérables ont parfois difficilement accès puisqu’elles ont un accès limité au téléphone ou à l’Internet. Face à cette nouvelle réalité, sans le soutien que l’aide juridique est censée leur offrir, la justice peut être hors d’atteinte pour ces gens.
Je salue les efforts des juges et des juges de paix de la Cour de justice de l’Ontario. Dès le début de la pandémie, notre magistrature a réussi à maintenir, pour les particuliers et les familles de l’Ontario, un accès à nos services. Plusieurs mesures importantes ont été prises pour garantir l’accès à la justice à tous les habitants de la province. De plus, nous avons préparé à l’intention des personnes qui se défendent sans avocat de nombreux guides contenant des conseils pratiques afin de les aider à s’y retrouver dans l’administration judiciaire – virtuellement et en personne – durant la pandémie.
Nos tribunaux tiennent encore à tenir des audiences en personne lorsqu’il le faut. Nous envisageons la possibilité – selon le cas – que les « doubles audiences » se tiennent en partie en personne et en partie virtuellement, de manière entièrement virtuelle ou entièrement en personne. Pour rendre une justice juste et équitable en temps utile pour tous, nous devons être en mesure d’offrir ces trois possibilités.
Les événements tragiques survenus récemment au Canada et aux États-Unis ont fait ressortir davantage les problèmes de racisme et les responsabilités que nous avons envers les diverses populations que nous servons.
Avec les années, bon nombre de nos programmes d’éducation des juges et des juges de paix ont porté sur les problèmes de discrimination et de partialité sous toutes leurs formes. Notre détermination à éliminer la discrimination et à créer une culture antiraciste s’est renouvelée par suite des événements des derniers mois.
C’est pourquoi le comité de l’équité et de la diversité de la Cour de justice de l’Ontario a été fondé en 2019. Présidé par le juge principal régional Aston Hall, il a pour mission de conseiller la Cour en matière d’initiatives d’éducation qui sont destinées à tous les membres de notre Cour et qui favorisent et renforcent la conscientisation à l’égard du racisme systémique et individuel. En outre, ce comité me donne des orientations qui nous aident à nous acquitter de nos obligations d’affronter l’injustice.
Nous savons que nous avons encore du travail à faire – et nous nous efforçons de relever les défis avec détermination et respect.
Avant de conclure mon allocution d’aujourd’hui, j’ai quelque chose de très spécial à souligner. Bien que son mandat se termine en juin 2021, Peter DeFreitas assiste à sa dernière cérémonie d’ouverture des tribunaux en tant que juge en chef adjoint de la Cour de justice de l’Ontario.
La charge qu’il occupe depuis près de six ans est une charge colossale de par sa portée et son importance pour la Cour. Le juge DeFreitas a été une figure forte, réfléchie, favorable à l’innovation. Il a joué un rôle influent dans les comités administratifs de notre Cour : il a notamment présidé le Secrétariat de l’éducation et m’a représentée au Conseil de la magistrature de l’Ontario. En outre, il a contribué aux initiatives de modernisation de notre Cour, en particulier dans le domaine des technologies.
Ces derniers mois, son calme et sa lucidité dans la mise en place de nouvelles façons de rendre la justice ont été une contribution énorme non seulement pour notre Cour, mais aussi pour le système de justice dans son ensemble. La Cour le remercie de son aide inestimable et je lui suis reconnaissante pour son amitié et ses conseils judicieux.
Comme les juges en chef Strathy et Morawetz, je suis optimiste à l’égard des progrès que nous avons faits. Nous avons accompli beaucoup en très peu de temps. Compte tenu de nos réalisations des derniers mois, je suis sûre que le système judiciaire deviendra plus fort. Grâce à la résilience, à la compréhension, à la souplesse et aux efforts inlassables d’un grand nombre de personnes, le système judiciaire continuera d’être bien soutenu et les Ontariens auront de bons services.